La Haute cour constitutionnelle a déclaré, hier, que le code de la communication médiatisée est conforme à la Constitution. Le chef de l’État a le feu vert pour le promulguer
Pour une gifle, c’en était une. Beaucoup de journalistes n’en reviennent pas encore. La Haute cour constitutionnelle (HCC) a déclaré, hier, conforme à la Constitution le code de la communication médiatisée, et a donné au chef de l’État le feu vert pour le promulguer.
« Sous les réserves d’interprétation des considérants 29, 31, 54, 61 et 65, toutes les autres dispositions de la loi n°2016-029 sont déclarées conformes à la Constitution et peuvent être promulguées », indique-t-elle dans un arrêt publié hier sur son site Web officiel.
Nombre de journalistes avaient pourtant encore espéré que la HCC déclare inconstitutionnelles quelques dispositions de la loi, de manière à donner au chef de l’État une certaine marge de manœuvre dans la gestion du dossier Code de la communication. Pareille décision aurait, en effet, permis à Hery Rajaonarimampianina de ne pas promulguer le texte, ou de le soumettre à une nouvelle délibération du Parlement ou du Conseil des ministres.
D’autres n’ont pas hésité à soulever le passé professionnel du président de la HCC, Jean Eric Rakotoarisoa, pour solliciter sa compréhension, voire sa sympathie. Celui-ci ayant été un ancien journaliste, beaucoup avaient espéré qu’il « n’enterrerait pas la liberté d’expression ». Mais ces espoirs furent vains. Soit, le président de la Cour a choisi de s’aligner sur la position de ceux qui cherchent à museler la presse, soit il n’a pas fait le poids face à ses collègues.
Dans une décision qui s’apparente plus à une réponse aux revendications des professionnels des médias et de la société civile qu’à un arrêt digne d’une Cour constitutionnelle, la HCC est allée jusqu’à répliquer point par point aux arguments soulevés par les détracteurs du texte pour démontrer le caractère liberticide du code.
Dans sa décision, la Cour d’Ambohidahy a alors justifié en quoi les dispositions les plus controversées sont conformes à la Constitution, alors que d’habitude, ce sont les articles anticonstitutionnels qui font l’objet d’explications à coup de considérants.
Zèle
C’est ainsi que sans que personne ne le lui demande, la HCC a déclaré que « l’article 20 alinéa premier de la loi 2016-029, en interdisant au journaliste de porter atteinte à la vie privée, n’est pas contraire à la Constitution ». Dans leur volonté de justifier le droit absolu à la vie privée des autorités publiques et politiques, les juges constitutionnels ont fini par entrer en contradiction avec eux-mêmes.
« Faire la distinction des autorités publiques et politiques est contraire aux principes fondamentaux posés par l’article 6 de la Constitution », écrivent-ils dans leur décision. L’article 20, en faisant une mention particulière aux personnes assumant des fonctions ou un rôle politique, considère pourtant celles-ci comme des citoyens distincts et différents des autres. Dans sa conclusion, la HCC n’a eu d’autre choix que de zapper la partie « même lorsque ces personnes assument des fonctions ou un rôle politique ».
Poursuivant dans sa logique, la HCC estime aussi que l’article 30 du code de la communication médiatisée est conforme à la Constitution. Cette disposition, dans son alinéa 3, punit d’amende « toute entrave par quelque moyen que ce soit, au déroulement des fêtes nationales ou toute incitation, par tout support audiovisuel, à s’abstenir d’y participer, que cette incitation ait été ou non suivie d’effet ». Dans leur zèle, et malgré la longue semaine qu’ils se sont donnés pour examiner le texte, ils ont oublié de signaler que ledit texte est sélectif et ne punit nullement les incitations à s’abstenir de participer aux fêtes nationales faites par voie électronique ou par des modes de communication autres que la radio et la télévision.
La fermeture de l’entreprise par le ministère chargé de la communication en cas de récidive est également considérée par la HCC comme conforme à la Constitution, alors que la tendance du droit comparé, utilisé comme référence par la HCC dans de nombreux cas, est de réserver les sanctions administratives aux autorités de régulation.
Faisant cette fois référence au droit comparé, la HCC estime également que l’article 85, qui oblige le propriétaire ou l’actionnaire majoritaire ou le représentant légal de l’entreprise à en être le directeur de publication, n’est pas contraire à la Constitution. Idem pour la restriction de diffusion de publicités pour les radiodiffusions et télévisions privées non commerciales.
Réserves d’interprétation
Dans son souci de ne déclarer aucune disposition contraire à la Constitution, la Haute cour constitutionnelle a utilisé la technique des « réserves d’interprétation ». Lesdites réserves consistent à obliger les différentes autorités chargées d’appliquer le texte à tenir compte de l’interprétation que la HCC fait des dispositions exprimées avec les réserves.
Lova Rabary-Rakotondravony