Le dossier datait du 17 juillet. Les organisateurs de la manifestation Ligne 12 avaient introduit leur demande de fermeture temporaire des rues deux mois avant l’événement. Mais les autorités municipales n’y ont répondu que la veille de la tenue de l’événement. La réponse étant négative, les festivités prévues se tenir samedi dernier dans les rues d’Antsahavola, d’Ampasamadinika et de leurs environs n’ont donc pas pu avoir lieu.
Il ne s’agissait pourtant pas d’une manifestation politique, ni d’une manifestation syndicale. Et si des jeunes étudiants devaient venir y participer, ce n’était certainement pas pour réclamer le paiement de leurs bourses d’études, ou pour revendiquer la satisfaction des exigences des enseignants chercheurs en grève. Il s’agissait juste d’un événement culturel se déroulant sur deux scènes implantées à même la rue où devaient se succéder de nombreux artistes.
« Nous espérons, à travers cet événement et au-delà de l’aspect festif, contribuer à notre toute petite échelle, à promouvoir une certaine idée de la ville », avait expliqué l’initiateur de l’événement. Parce que Tana n’est pas que saleté, bouchons, ordures, mendiants, vols à la tire, incivisme, émeutes et marchands de rue. Tana, c’est aussi une ville où grouillent de bonnes idées, où se côtoient de multiples talents, et où les gens, au final, aiment se retrouver entre eux, autour d’un verre sur la terrasse d’un café ou d’un restaurant, appréciant les plaisirs tout simples de la vie piétonne.
Cet autre visage de la ville, les Tananariviens ont rarement l’occasion de le voir. Il y a bien ces « vendredi magnifiques » et ces « samedi jolis » où des bandes d’amis se retrouvent autour d’une bonne bière dans le centre-ville, mais où, faute d’infrastructures correctes, elles n’ont d’autres choix que de squatter les trottoirs et les chaussées du centre-ville. À l’origine souvent d’embouteillages monstres en pleine nuit, ces soirées, censées détendre les travailleurs éreintés par une dure semaine de labeur, peuvent pourtant parfois se terminer par de grosses bagarres entre bandes non organisées, et se passent surtout souvent au rythme des concerts de klaxons à cinq notes claires et nettes.
Au-delà de son aspect festif, la deuxième édition de « Ligne 11 » aurait certainement permis aux autorités municipales d’apprécier, elles aussi, les vertus de la culture piétonne. Et de faire redécouvrir ensuite cette culture de la « ligne 11 » à des citadins devenus accro aux taxis-be. Cette culture piétonne, qui apprendra aux Tananariviens à ne plus prendre le transport en commun un peu n’importe où, et à ne plus en descendre aux portes de leur domicile ou juste devant l’entrée de leurs bureaux, contribuera plus que 100 jours d’actions ponctuelles et sans lendemain à réduire durablement les embouteillages en centre ville.
« Dans le cadre de la mise en œuvre de la RRI (Initiative de résultats rapides) de 100 jours concernant la fluidité de la circulation, nous vous informons que toutes manifestations de rues seront suspendues jusqu’à nouvel ordre », écrivait le directeur de la Culture et des loisirs de la municipalité aux organisateurs de l’événement. Comme si fermer à la circulation les rues d’Antsahavola et d’Ampasamadinika un seul après-midi de samedi pouvait contribuer à faire disparaître à jamais les embouteillages d’Antananarivo.
Les autorités municipales devraient peut-être comprendre qu’obtenir des résultats rapides en matière de fluidité de la circulation ne signifie pas que pendant 100 jours successifs, il n’y ait que peu ou pas de bouchons du tout dans les rues. Les initiateurs du concept devraient leur faire savoir que l’objectif de la RRI est de faire en sorte que les actions menées pendant les 100 jours puissent durablement contribuer à réduire sensiblement les embouteillages pour tous les autres 100 jours qui viennent.
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Culture piétonne
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