Un conflit judiciaire tourne à la révolte populaire à Maroantsetra. Un événement qui témoigne que l’autorité de l’État et celle de la Justice restent précaires.
Pitoyable. Une nouvelle fois, l’État et la Justice plient sous le mécontentement des administrés et des justiciables. Un conflit judiciaire a entrainé une révolte populaire, à Maroantsetra où on a saccagé des locaux du bureau du district. La pression populaire était telle que la Justice à décidé, précipitamment, la libération d’un prévenu.
L’affaire en justice concerne deux opérateurs économiques œuvrant dans le secteur de la vanille et du girofle dans la ville de Maroantsetra. Dans une interview accordée au site sobikamada.com, Eric Besoa, le plaignant, soutient que celui qui se prénomme Rodrigue, l’accusé, lui doit de l’argent et « le mois de juillet dernier, il m’a donné un chèque de 4 milliards fmg. Lorsque j’ai versé le chèque, il n’était pas approvisionné (…) j’ai dû porter l’affaire devant la police économique ».
Le tribunal de Toamasina a été saisi de l’affaire. Aussi, au motif d’un mandat judiciaire, la police économique était descendue à Maroantsetra, mardi, pour appréhender l’accusé et procéder à son interrogation. Vers 8 heures 30, hier, « environ 300 personnes ont manifesté devant le commissariat pour revendiquer la libération du prévenu », indique des informations émanant de la gendarmerie. Selon des informations relayées sur les réseaux sociaux, le dit Rodrigue serait l’ancien maire d’une commune dénommée Anjahana. Outre la sympathie envers celui qui est présenté comme un ancien élu, ces informations rapportent, aussi, que le plaignant serait réputé pour ses abus et avoir le bras long.
« L’atmosphère était tendue car, le nombre de manifestants a augmenté. (…) Lorsque le tribunal a été avisé de la teneur de la situation, il a donné l’ordre de libérer l’accusé.
(…) [30 minutes après la libération] les manifestants, cependant, sont revenus à la charge pour réclamer toutes les paperasses concernant l’affaire (…) [n’ayant pas eu gain de cause] ils ont saccagé le bureau du district et ont brûlé les dossiers et matériaux informatiques qui s’y trouvaient », rapporte la gendarmerie.
Injustice
La situation a dégénéré en un affrontement entre les manifestants et les forces de l’ordre. D’après les communications officielles, il y a eu trois blessés, deux civils et un gendarme. « Les manifestants ont eu l’idée de renvoyer dans les rangs des forces de l’ordre les grenades lacrymogènes. Un jeune s’est approché d’une bombe lacrymogène n’ayant pas explosé. L’engin a explosé lorsqu’il était sur le point de s’en saisir. Ce qui l’a sérieusement blessé mais, ne l’a pas tué », soutient la gendarmerie.
Saccage du bureau du district, siège de l’organe déconcentré de l’État. Rétractation du tribunal, incarnant le pouvoir judiciaire et qui, en principe, doit dire le droit de manière impartiale au nom du peuple malgache.
Au-delà des faits, les scènes qui se sont déroulées à Maroantsetra, hier, témoignent de la fragilité de l’autorité de l’État dont la restauration était l’une des ambitions premières du chef de l’État après cinq ans de Transition. Plus grave encore, les administrés, les justiciables semblent renier la légalité et la légitimité des actes des autorités étatiques et judiciaires. Deux pouvoirs, avec le Parlement, qui sont, pourtant, le socle de la République.
Lors des différents ateliers de travail sur la manière de rétablir l’autorité étatique et le respect des citoyens envers les institutions de l’État, les entités devant faire respecter ou rétablir l’ordre, ou encore, devant rendre justice, des points récurrents sont, systématiquement soulevés. Il s’agit de « l’impunité des hauts responsables civils et militaires, de leur proches [sans considération de régime], l’abus de pouvoir et d’autorité, la corruption au sein des différents systèmes administratifs et de la Justice, ainsi que, la partialité des tribunaux ».
L’absence de confiance des administrés envers les institutions et les autorités étatiques entraine, souvent, la désobéissance civile. Une réaction motivée, souvent, par un sentiment d’injustice.
Bien que le mouvement ait été rapidement maîtrisé, la gravité des faits d’hier, n’est pas à minimiser. La fréquence de scènes similaires, par ailleurs, indique que la répression n’est qu’une solution ponctuelle et inefficace. Il semble urgent de traduire les politiques de réformes et d’assainissement en actes avec des résultats palpables et quantifiables.
Garry Fabrice Ranaivoson