L’insuffisance de l’indépendance des juges pourraient l’expliquer en partie l’inefficacité de la justice dans la lutte contre la corruption et les délits.
Indépendance. Ce serait ce qui manque à la Chaîne pénale anti-corruption (CPAC), entité judiciaire qui fait partie du système de lutte contre la corruption et contre les délits financiers que traitent le Bureau indépendant anti-corruption (Bianco) et le Service de renseignement financier (Samifin).
La plupart des rapports d’évaluation sur la lutte contre ces fléaux à Madagascar, fait état du caractère « inopérant » de la justice dans le domaine. Il est indiqué que très peu d’affaires arrivent jusqu’à une décision judiciaire. Durant un entretien privé, une source avisée a confié : « Concernant la Chaîne pénale, il y a un problème d’indépendance. » D’abord, la CPAC n’a pas été créée par une loi, mais par une note interministérielle. Elle est ensuite rattachée à des départements ministériels.
Dans la tête
« L’on ne peut donc pas lui attribuer un budget propre. Ses membres sont du reste toujours rattachés à leur service d’origine », indique la source. Faisant partie du ministère public, la Chaîne est ainsi soumise « à la subordination hiérarchique », comme le prévoit la Constitution, notamment au ministère de la Justice. En outre, une « note ministérielle » émise durant la Transition imposerait aux magistrats de la CPAC de faire un rapport sur les « dossiers sensibles » au ministre de la Justice.
Pour notre source, « la bonne chose est que le ministère peut assurer un suivi de ce type de dossier. Quoique l’on dise cependant, il fait partie de l’Exécutif et cela nuit au principe de séparation des pouvoirs. D’autant plus que l’on n’est pas à l’abri de la tentation d’une intervention ou de faire pression sur le magistrat lorsque les intérêts du pouvoir exécutif sont en jeu ».
Pour le cas des juges du ministère public, la Constitution dispose toutefois que « dans leurs conclusions ou réquisitions orales, ils agissent selon leur intime conviction et conformément à la loi ». La source soutient que « l’indépendance est surtout dans la tête. Les pressions et interventions n’auront jamais lieu sauf lorsque ceux qui le font, savent que le juge pourrait s’y soumettre soit par peur, soit par convoitise ».
Outre la Chaîne pénale, on s’interroge aussi sur la part de responsabilité des magistrats de siège dont l’indépendance est bétonnée par la Constitution qui institue le principe d’« inamovibilité ». La loi fondamentale souligne, en effet, que « dans leur activités juridictionnelles, les magistrats de siège, les juges et assesseurs sont indépendants et ne sont soumis qu’à la Constitution et la loi ».
La source indique que si les magistrats du parquet sont soumis à une obligation constitutionnelle de subordination, « le danger est lorsque dans le traitement des dossiers, les juges de siège ne font pas valoir leur indépendance ». Et d’ajouter que quels que soient les efforts de la Chaîne pénale, lorsque les magistrats de siège « sont malléables, nous en serions toujours aux mêmes résultats dérisoires en matière de lutte contre la corruption et de délits financiers ». Pour faire valoir son indépendance, le courage du juge est, visiblement, ce qui manque à certains.
Garry Fabrice Ranaivoson