La secrétaire général du parti PSD, petite fille du président Philibert Tsiranana, estime qu’une restructuration du système politique est inévitable.
• La conjoncture socio- politique semble de plus en plus inquiétante. La fracture entre les autorités et la population est manifeste. Des observateurs prédisent le pire. Est-ce votre avis?
– Il faut dire qu’on assiste à une situation grave et inédite. Comme tous les citoyens et surtout en tant qu’acteur politique, je ne peux pas être insensible à tout ce qui se passe dans mon pays. Mais le mal est profond. On peut émettre les opinions les plus acerbes mais on peut aussi voir les choses et les expliquer de manière objective et se poser la question suivante: « Quelles peuvent être les capacités des tenants dun pouvoir pour redresser durant un mandat les écueils et dérives de plusieurs décennies ». C’est le système politique dans son ensemble qui est défaillant, voire obsolète. En revanche, il existe un vrai acquis. Avec ce régime, la crise post-électorale a été évitée car pour la première fois dans notre histoire, un candidat malheureux au deuxième tour a assisté à l’investiture du Président élu. Il faut préserver cet acquis précieux.
• Mais c’est loin de résoudre les problèmes du moment. L’État n’apporte aucune solution à la crise sociale qui tenaille la population. Un changement de régime serait-il la clé ?
– Justement, il ne faut plus que le spectre des coups d’État refasse surface. Depuis 1972, on a presque perdu un demi-siècle à détruire et on s’est empêtré dans la spirale des crises cycliques qui ont engendré de longues périodes de vache maigre. Nous sommes en train de vivre une période cauchemardesque et cherchons éperdument une porte de sortie qui ne peut se faire qu’avec une prise de conscience collective et une solidarité nationale.
• Croyez-vous que c’est suffisant pour redresser une situation chaotique ? Les gens ont hâte d’aller à l’élection, la population comme les prétendants.
– Imaginons qu’on aille dans un an vers une élection présidentielle avec ces rivalités politiques et cette situation sociale et sécuritaire désastreuse marquée par la recrudescence des vindictes populaires et surtout avec ces candidats potentiels qui sont des frères ennemis. Croyez-vous qu’on puisse tenir une élection dans les conditions exigées et acceptées par tous Il faut qu’il y ait avant tout un apaisement politique basé sur un pacte politique. Il faut qu’il y ait une période de restructuration et qui met en avant le dialogue, la réconciliation et tout ce qu’ont veut dans la recherche d’apaisement,de paix sociale et de solidarité nationale.
• Est-ce encore possible dans l’état actuel des choses ? La période de restructuration serait-elle une nouvelle Transition?
– Il existe un État issu du choix du choix du peuple et c’est à lui de définir la structure appropriée à cette période. L’essenitiel est qu’il y ait un apaisement et une paix sociale avant les échéances électorales. Par contre, les acteurs politiques doivent avoir la volonté d’aller vers l’apaisement pour préserver l’intérêt supérieur de la Nation et enterrer la hache de guerre qui n’a rien apporté pour le pays et le peuple.
• Êtes-vous sûre de pouvoir compter sur les partis politiques et les politiciens dans cette optique ?
– Hélas, les vrais partis politiques comme le PSD, l’AKFM, le Monima et le MFM ont fait leur temps. La difficulté est là. À mon niveau j’essaie de rallumer la flamme du patriotisme, qui doit être le moteur d’un parti , au sein du PSD. Actuellement on compte plusieurs centaines de partis et d’organisations politique mais la majorité n’a qu’une existence douteuse. Aujourd’hui, un parti se forme quand un homme fort arrive au pouvoir et il disparaît quand son fondateur quitte le pouvoir. Un parti sert seulement d’ascenseur pour les leaders des mouvements populaires lors des crises cycliques. C’est dommage pour le pays car ces partis historiques sont les vrais dépositaires d’éthique, de déontologie et de valeur. Les partis politiques sont devenus un facteur d’instabilité permanente. Ce qui fait qu’en soixante ans d’indépendance, nous avons un système politique anachronique rendant ainsi très difficile la mise en place d’un État moderne capable de jeter les bases d’un développement national.
• Peut-on en déduire que le système politique est un blocage au développement ?
– Si vous le voulez. La gestion d’un État est éminemment politique. Un vrai homme d’Etat est un homme politique par excellence qui émerge d’un parti politique après un long parcours pour avoir la connaissance parfaite du pays et de son peuple, la notion d’État et de gouvernance, les valeurs républicaines. L’absence d’un vrai homme d’Etat reste le principal problème. La démisson généralisée de la classe d’élite intellectuelle complique les choses. Elle reste volontairement à l’écart des grandes décisions et des orientations à prendre dans la haute sphère politique. Ce qui fait que dans bien de cas, dans son domaine de compétence et d’expertise, ce sont les autres qui prennent les décisions à sa place. Nous comprenons aisément les origines des dérives et des échecs durant ces décennies d’indépendance.
Propos recueillis par Herisetra