L’État central s’est engagé à placer les maires en première ligne de la mission de développement. La conversion de la parole à l’acte est attendue, pour qu’enfin la décentralisation soit effective.
Inachevé. Un adjectif utilisé par Fatma Samoura, représentante résidente des Nations-Unies à Madagascar, pour qualifier l’état du processus de décentralisation à Madagascar.
« Depuis vingt-ans, Madagascar s’est engagé à mettre en œuvre la décentralisation. À l’aube de la mise en œuvre des Objectifs de développement durable [ODD], force est de constater que le processus reste inachevé », a déclaré la diplomate à l’occasion de la rencontre entre les maires nouvellement élus et le chef de l’État, ainsi que les partenaires techniques et financiers, hier.
Outre la célébration de la journée africaine de la décentralisation, le rendez-vous d’hier devait aussi être l’occasion pour l’État central, emmené par Hery Rajaonarimampianina, président de la République et les partenaires internationaux, avec comme porte-parole la représentante des Nations-Unies, d’affirmer aux maires nouvellement élus, la garantie de leur coopération effective.
Il s’agissait aussi de lancer la phase finale de la décentralisation effective, par un engagement public. Si l’on se réfère aux déclarations de Fatma Samoura donc, il a fallu vingt ans à l’État malgache pour, enfin, se décider à s’engager dans la dernière ligne droite.
Dans son allocution, la représentante des Nations-Unies souligne que la décentralisation ne se limite pas à la mise en place des structures locales. « (…) elle est basée sur la légitimité des élus, la subsidiarité et la libre administration », a-t-elle ajouté. La diplomate renchérit en affirmant que les maires doivent être considérés comme des gouvernements locaux, puisant leur légitimité dans les élections, à l’instar du chef de l’État. Si l’on en croit les plaintes de la plupart des maires présents au palais d’État d’Iavoloha, les trois socles énoncés par la diplomate onusienne ne sont pas effectifs sur le terrain.
Concrétisation
« La légitimité et l’autorité du maire ne sont pas respectées. Souvent, il n’est même pas impliqué, ni consulté dans les prises de décision concernant sa commune et n’a pas son mot à dire. Cela se manifeste le plus souvent, dans les autorisations d’exploitation des richesses locales, ou encore le droit aux ristournes et la perception des taxes. Les lettres d’autorisation en provenance de la région ou du ministère tombent sur votre bureau et vous n’avez droit à aucune riposte », déplore Franck Nomenjanahary Anditsoa, maire de la commune rurale de Soamanova.
Jusqu’ici, la décentralisation semble n’avoir été que des mots pour se conformer aux standardx internationaux et séduire les bailleurs de fonds. Les maires, bien qu’élus, n’ont, pour la plupart, été que des symboles, éclipsés par la prééminence des chefs de région, jusqu’ici désignés par l’État central.
La menace d’être remplacé par un Président de délégation spéciale (PDS), planait aussi en cas de résistance ou d’initiative de faire valoir son autorité. Il y a aussi les problèmes financiers. En cause, les retards ou absence de subventions compilées avec l’inexistence de retombée des richesses locales. Ce qui écorne un peu plus la crédibilité des édiles des communes.
« La plupart des communes sont endettées, même la mienne. Une dette qui ne concerne alors que le budget de fonctionnement, comme les salaires des employés. Il n’y a rien pour les actions de développement », peste Michelle Hianta Malala, maire de Morafenobe. Hier, Olivier Mahafaly Solonandrasana, ministre de l’Intérieur et de la décentralisation a assuré que « désormais, nous ferons en sorte qu’il n’y ait plus de retard dans les subventions ».
Pour bétonner la volonté de l’État à s’engager dans la décentralisation, le ministre a ajouté que « les nouveaux textes sur la décentralisation prévoient, également, des dispositifs pour que les communes s’émancipent des aides étatiques. Il y a l’augmentation des taux et du panel des taxes. La manière d’optimiser le recouvrement fait partie des sujets abordés durant l’atelier de demain [ce jour] ».
Hier, Hery Rajaonarimampianina a affirmé son intention de faire des maires ses partenaires dans la lutte contre la pauvreté et de leur apporter ainsi, sa pleine collaboration, tout comme sa pleine adhésion aux principes de la décentralisation. Il ne reste plus qu’à « clarifier le partage des rôles de chacun dans les textes et le concrétiser sur terrain », soutient Fatma Samoura.