Treize suspects arrêtés pour le lynchage à mort de l’Ampanjaka Tata Philibert sont gardés dans deux endroits sûrs. Le risque de vindicte populaire est très élevé.
L’affaire se corse. La traduction devant la justice des personnes incriminées dans le meurtre de l’Ampanjaka (NDLR: Notable issu d’une lignée princière d’une tribu, élevé roi selon les valeurs ancestrales), Philibert Tata devient un casse-tête judiciaire. Aux dernières
nouvelles, l’Organe Mixte de Conception (OMC) à Farafangana va tenir une réunion, pour lui permettre de tirer son épingle du jeu et décider du parquet qui va instruire l’affaire. Une décision embourbée dans les fils enchevêtrés d’une procédure judiciaire compromise par une menace d’acte de vindicte populaire dans laquelle sont exposés les treize suspects arrêtés, dont le maire de Vohilembo. Le fait qu’un élu ainsi qu’une personnalité politique comme l’ancien ministre de la Fonction publique et des Lois sociales, Tabera Randriamanantsoa, frère du défunt, n’est pas, de surcroît, sans effet. Même si les faits remontent au 7 mai, les suspects ne sont pas encore traduits devant la justice, dix-sept jours plus tard.
Dans un souci de l’ordre public mais aussi pour leur sécurité, selon les forces de gendarmerie, les huit premiers suspects arrêtés, dont le maire de Vohilembo, ont été transférés à Fianarantsoa, pour être placés en garde à vue, à la section des recherches criminelle. Entre-temps, la poursuite des investigations à Farafangana a abouti à l’arrestation de cinq autres personnes. Le Parquet de Farafangana est compétent, parce que le crime a été perpétré dans sa juridiction et que les présumés auteurs et les victimes s’y trouvent. Le risque de débordement pendant la traduction au parquet des suspects est, très élevé, du fait que c’est un chef traditionnel qui a été tué et que l’homicide s’interpose entre deux collectivités. L’instruction de l’affaire par le parquet de Fianarantsoa n’est pas à exclure, mais jusqu’à hier, celui de Farafagana ne
s’est pas encore dessaisi de l’affaire.
Meneurs
Le meurtre a été commis lorsque l’Ampanjaka Tata Philibert a été arraché à la gendarmerie, et lynché à mort par une foule punitive. Alors qu’il a été tué dans des circonstances tragiques, son fils a échappé à une mort certaine, en s’enfuyant pendant que des villageois déchaînés se sont rués dangereusement vers le poste avancé de la gendarmerie d’Evato. Un acte de banditisme ayant pris pour cible le maire de Vohilembo, commune adjacente distante de 15 kilomètres de celle d’Evato, a ouvert la boîte de Pandore. Dans la nuit du lundi 1er au 2 mai, des malfaiteurs se sont introduits chez l’élu, pour s’emparer des objets de valeur à portée de main.
Celui-ci n’était pas sur place au moment des faits. À son retour à Vohilembo la thèse d’une tentative d’élimination physique contre sa personne a été évoquée, en plus d’un prétendu vol de fusil et d’une somme s’élevant à dix millions d’ariary. Le maire s’en est remis aux gendarmes en poste à Evato et des incriminations ont été portées sur l’ampanjaka et son fils.
Interpellé, le jeune homme a été gardé par la gendarmerie à Evato, qui a, dans la
foulée, convoqué le père de celui-ci, l’Ampanjaka Philibert Tata. Mis au parfum de leurs interrogatoires, des habitants de la commune de Vohilembo, se sont mobilisés sous
l’influence de quelques meneurs. Demandant à voir les deux suspects, ils se sont rués par centaines sur le poste de gendarmerie à Evato et leurs rangs se sont gonflés en chemin. Tombés dans leurs griffes, l’Ampanjaka a été exécuté avec atrocité.
Andry Manase