Contestant avec insolence la condamnation de leurs collègues, des agents pénitentiaires ont mis fin aux procès prévus.
Une onde de choc s’est abattue sur le Palais de justice à Manakara, hier. La condamnation à deux ans de prison ferme de trois agents de l’administration pénitentiaire, pour maltraitance de détenu, a provoqué un séisme. Les accusés sont en service à la maison centrale de la ville. La sécurité du Président du tribunal ainsi que du procureur a dû être renforcée et le palais de justice est placé sous haute surveillance par des gendarmes, des policiers ainsi que des militaires sur le pied de guerre. En revanche, deux agents pénitentiaires, accusés d’outrage à magistrat, demeurent insaisissables.
Hier en fin de matinée, chahuts et colère se sont emparés de la salle d’audience, lorsque le verdict est tombé. Venus soutenir leurs collègues assis au banc des accusés, une meute d’éléments en tenue civile de l’administration pénitentiaire, se chiffrant par quinzaines, a contesté la décision judiciaire, la rage au ventre, accusant les juges d’abus d’autorité. À côté, leurs frères d’arme en service, armés et en tenue réglementaire, ont remué le couteau dans la plaie.
Sitôt le jugement prononcé, ils ont infligé à la cour un cinglant camouflet, en mettant fin à la journée d’audience. Sans demander leur reste, ils ont nargué les juges et les greffiers en quittant la salle, en embarquant tous les autres détenus qu’ils ont escortés pour être jugés.
Mais encore, vers 11 h 30, deux des agents en service sont revenus dans la salle d’audience, pour crever outrageusement l’abcès sur le prétendu abus, en s’adressant ouvertement au président du tribunal. Celui-ci a été bousculé devant des témoins abasourdis.
Un branle-bas de combat a saisi la prison de Manakara après ces scènes sulfureuses.
Visiblement prêt à en découdre, le personnel insurgé de la maison centrale a fermé à double tour l’établissement, ne laissant personne ni entrer ni sortir. À l’entrée, un mot d’ordre de grève a été placardé en gros caractères. « Nous faisons bloc derrière nos collègues », lance d’un ton calme et impassible Diderot César Rialy, président du syndicat du personnel de l’administration pénitentiaire de Madagascar (SPAPM).
Mésententes
« Une tension qui couve depuis un certain temps a fini par éclater. C’est désolant, mais il y a lieu de dire que le frêle tissu de frustrations qui a couvert tant bien mal que, des relations houleuses sont aujourd’ hui en lambeaux et voilà où nous en sommes», déplore le président du SPAPM. Pour illustration, il revient, entre autres, sur une prétendue visite de prison faite par le procureur de Manakara, lors de laquelle celui-ci est accusé d’avoir signifié aux détenus de l’informer de toute forme de maltraitance venant du personnel du pénitencier, pour qu’il place les auteurs sous les verrous. En saisissant la balle au bond, le président syndical souligne que le plaignant en question aurait tenté de se faire la belle et qu’il a été, de ce fait, jeté en cellule pour correction. Revigoré par la visite du procureur, le détenu en question se serait retourné contre les agents.
Une source auprès du tribunal de Manakara indique par ailleurs, que les maltraitances, ayant fait l’objet de plainte, ont été effectivement constatées lors de la descente du procureur, lequel est diabolisé par ceux qui trouvent à reprocher à sa méthode de veiller au respect des droits humains dans l’exercice de sa fonction.
Les faits remontent à il y a deux mois. Après avoir recouvré la liberté, le détenu a traduit devant la justice quatre des agents pénitentiaires incriminés. Au terme du passage devant le parquet, ils ont tous bénéficié d’une mise en liberté provisoire avant que la cour ne frappe trois d’entre eux d’un retour de manivelle, avec deux années de réclusion ferme. L’un des
accusés a été par contre condamné à six mois de prison avec sursis.
Le désarmement des quatre agents pénitentiaires est une autre paire de manche selon les inquiétudes émises. Hier après-midi, le SPAPM a, quant à lui, tenu une réunion d’urgence.
Seth Andriamarohasina