Les députés se sont brutalement épanchés sur le ministre de la Justice, jeudi. En cause, « l’acharnement » des instances de contrôle contre certains d’entre eux.
Lynchage verbal. Charles Andriamiseza, ministre de la Justice, a été quelque peu esseulé jeudi, à Tsimbazaza. Le garde des Sceaux a encaissé seul les foudres de l’Assemblée nationale contre l’Exécutif.
Voulant demander des comptes sur une convocation par la Chaîne pénale anti-corruption (CPAC) du député Jean-Pierre Laisoa, élu à Antalaha, l’Assemblée nationale a convoqué le ministre de la Justice, notamment. La séance, qui s’est tenue jeudi en milieu d’après-midi jusqu’en début de soirée, s’est faite à huis-clos. « Il fallait que ce soit à huis-clos, pour que les députés puissent dire sans retenue ce qu’ils avaient à dire », a confié un élu hier. Selon lui, le ton des prises de parole a affolé les décibels.
Certaines interventions ont effectivement fait trembler les murs de la salle de séance, attirant l’attention des oreilles indiscrètes. Outre la demande d’explication sur cette convocation en pleine session parlementaire, les députés ont surtout vociféré contre ce qu’ils estiment être « un harcèlement » de la part des autorités étatiques. « Pourquoi donc nos membres, qui ont une réussite sociale et économique, sont constamment tourmentés par le pouvoir Un député n’a-t-il donc pas le droit d’être riche », auraient été entre autres entendu jeudi.
Durant les échanges, il a été dit qu’avec le cas de l’élu d’Antalaha, « quatre députés ont été acculés à cause de leur surface financière, ou de leur activité ». Au-delà du volet juridique, les membres de la Chambre basse ont porté les brutaux épanchements sur le terrain politique.
Dénonciation
Les membres de la Chambre basse ont demandé les réelles intentions du pouvoir à l’endroit de ses principaux « soutiens », car « ce sont les députés qui soutiennent le pouvoir qui sont, pourtant, victimes d’harcèlement ».
Certains sont allés jusqu’à lancer : « Il faudrait peut-être vous rappeler que nous ne sommes pas élus en tant que député HVM [Hery vaovao ho an’i Madagasikara] ». Ceci pour dire qu’ils peuvent toujours changer de démarche. « Si vous voulez en découdre, ce n’est pas un problème. Nous pouvons soutenir les revendications syndicales actuelles, comme celles du SMM [Syndicat des magistrats de Madagascar], ou encore celles des greffiers et du SECES [Syndicat des enseignants chercheurs de l’enseignement supérieur] », avait lâché un parlementaire durant les échanges.
La séance a été l’occasion pour les parlementaires réputés d’opposition de railler et de remonter les bretelles de leurs pairs pro-pouvoir. Il a été notamment pesté: « Tout ceci est le résultat de votre extrême complaisance. Du fait d’accepter, ou voter tous les textes à l’aveuglette ». Une réaction faisant notamment référence à des propositions d’amendement faites sur le projet de loi sur le Bureau indépendant anti-corruption (BIANCO), notamment, rejeté par les députés de « la majorité » pro-pouvoir.
Dans leur hargne, les députés sont allés jusqu’à dénoncer ce qu’ils considèrent comme « un enrichissement rapide et suspect » des membres du gouvernement. « Nous sommes acculés alors que nous ne gérons même pas de deniers publics. Pourquoi les ministres qui s’en occupent ne sont-ils jamais inquiétés » aurait fulminé un autre député. Seul membre du gouvernement présent, le ministre Andriamiseza a été fortement chahuté. « Osez dire que ce soit normal qu’un ministre, après trois ou six mois en poste, puisse se construire une nouvelle villa et s’acheter un 4×4 V8 », aurait fustigé le même élu.
Durant la séance de jeudi, des membres de la Chambre basse seraient allés jusqu’à exiger que « des enquêtes soient également ouvertes sur l’enrichissement des ministres, mais pas constamment s’en prendre aux députés ». Sur ce point, le Bianco dispose du droit de saisine d’office. Une doléance est aussi une autre voix pour saisir les instances de contrôle indépendantes. Sauf si les mots de jeudi n’aient été inspirés que par la frénésie du moment.
Garry Fabrice Ranaivoson