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Patrick Imam –« L’ouverture à d’autres pays est une bonne chose »

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Le représentant résident du Fonds monétaire international joue la transparence sur l’affectation des fonds supplémentaires accordés par son institution à Madagascar. Il attend que les Malgaches agissent de même.

• Pourquoi le montant de la deuxième tranche de la Facilité élargie de crédit est plus élevé que prévu ?
Les aléas climatiques auxquels le pays a été fortement exposé vers la fin de l’année dernière et au début de cette année ont exercé une certaine pression au niveau de la balance de paiement du pays. Je parle notamment de la sécheresse et du cyclone Enawo. Cela a généré des demandes inattendues. Les autorités ont donc demandé une augmentation du niveau d’accès de Madagascar en termes de ressources financières auprès du Fonds Monétaire International (FMI) à hauteur de 12,5 pour cent de son quota. Le Conseil d’Administration du Fonds, lors de sa réunion du 28 Juin, y a donné une suite favorable. Ainsi l’accès de Madagascar s’était vu augmenté de 30,5 millions de DTS ou d’environ 42,1 mil­lions de dollars. Contraire­ment au décaissement précédent et à ceux qui restent où le montant initialement prévu ne change pas, le montant déboursé au titre de cette première revue remonte à peu près à 61,8 millions de DTS, soit environ 85 millions de dollar.

• À quoi devrait servir ce montant supplémentaire ?
– L’aide financière apportée par le Fonds n’est pas une aide destinée à financer un projet quelconque. Elle servira à combler le gap de financement de la balance de paiement du pays. Et les différents chocs exogènes que je viens de mentionner ont creusé ce gap. Mais plus concrètement, l’aide financière va être versée directement à la Banque Centrale et servira à renforcer la réserve internationale de devises que celle-ci gère. L’aide dotera la Banque centrale de moyens financiers nécessaires pour assurer les paiements des importations des biens et services nécessaires à la reconstruction du pays suite au passage du cyclone et de la sécheresse. Mais les autorités ont également envisagé que la Banque Centrale rétrocède jusqu’à 50 millions de dollars du total du décaissement au gouvernement, pour permettre de maintenir le déficit budgétaire à un niveau soutenable sans compromettre les objectifs du programme.

• Le ministre des Finances avait parlé de 15 millions de dollars qui seraient versés à la Jirama à titre de subvention. Cela ne dérange-t-il pas le FMI ?
– Comme la possibilité est offerte à la Banque centrale de prêter une partie de l’argent à l’État, celle-ci peut le faire dans les conditions qu’elle juge comme n’étant pas sources de déséquili­bres macroéconomiques. En retour, il appartient à l’État emprunteur d’utiliser le fonds obtenu à bon escient de façon à en maximiser les bénéfices.

• Est-ce que verser de l’argent supplémentaire dans les caisses de la Jirama permet de maximiser les bénéfices ?
– Une fois arrivé dans les caisses de l’État, le montant du prêt de la BFM (Banky foiben’i Mada­gasikara) est en principe fongible. Par conséquent, il n’y a pas de suivi vraiment strict dans l’utilisation du fonds. Pour le cas présent, le ministre a évoqué que sur le montant des 50 millions de dollars qui est envisagé d’être rétrocédé à l’État, une grande partie servira à financer les dépenses relatives à la reconstruction du pays suite au passage du cyclone Enawo et le reste servira à financer les besoins additionnels de la Jirama en terme de transferts. Bien que la première utilisation du fonds soit tout à fait légitime, vu la nécessité de reconstruire, je comprends que la seconde utilisation puisse amener un certain questionnement.

« Le meilleur moyen de procéder est la bonne utilisation des aides que
le pays reçoit. »

• Une autre utilisation n’aurait-elle pas été plus utile ?
– C’est vrai, et il ne le faut pas le cacher, une utilisation plus efficiente aurait été plus souhaitable et plus utile, surtout au vu des besoins criants sur le plan social. Toutefois, il faut voir le contexte et les raisons spécifiques qui ont conduit l’État à utiliser une partie du fonds rétrocédé à financer les transferts additionnels de la Jirama. Il
s’agit notamment de la sècheresse qui a coûté à la société la somme de 170 milliards d’ariary vu que pour assurer ses prestations de service, elle a dû recourir à l’utilisation excessive des sources d’énergie thermiques à base de gasoil. Cette source d’énergie coûte extrêmement cher et a fortement grevé les coûts d’exploitation de la société. Il ne faut pas oublier que les activités économiques ont subi de plein fouet les conséquences de cette sécheresse avec plusieurs heures de délestage enregistrées par jour.

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• Des réformes n’étaient-elles pas censées être mises en place pour assurer le redressement de la Jirama ?
– À ce facteur conjoncturel s’étaient effectivement rajoutés les effets de la mise en œuvre plus lente que prévue des réformes pour redresser la société ainsi que l’augmentation inattendue des dépenses en carburant, liée à la fois à l’augmentation des prix des carburants, au niveau du marché international, ainsi qu’à la conception de certains contrats de fourniture de services à la Jirama, qui n’est pas toujours à l’avantage de cette dernière. Et il est vrai que si les réformes avaient été réalisées dans les délais impartis, les effets de la sécheresse sur la situation financière de la société auraient été amoindris. Les besoins de transferts additionnels auraient alors pu ne pas atteindre le niveau actuel. Maintenant, en contrepartie des transferts additionnels de 200 mil­liards d’Ariary, la Jirama s’est engagée à mettre en œuvre différentes mesures destinées à éliminer les transferts budgétaires d’ici quatre ans.

• Vous croyez à la réalisation de ces engagements ?
– Avec notre appui et celui de la Banque Mondiale, les autorités se sont engagées fermement à suivre de près la mise en œuvre du « business plan » qui a été approuvé par le Conseil d’administration. L’idée est d’intervenir promptement en cas de dérapages éventuels. Il y a un plan de contingence qui fera que le budget d’État ne doive plus être sollicité pour 2017 en cas de dérapage. Si ce plan de contingence n’est pas activé en cas de besoin, cela pourrait affecter négativement la mise en œuvre du programme FEC que nous soutenons. Mais au-delà de cela, cela pourrait ralentir les efforts de croissance économique du pays vu le rôle central que la fourniture d’électricité joue dans les activités économiques et dans le climat des affaires. Néanmoins, vu la dynamique insufflée par les changements opérés au niveau du management de la Jirama en début d’année, avec la nomination d’un nouveau directeur général ainsi que d’un nouveau Conseil d’Administration, tout comme la récente annonce d’augmentation des tarifs, nous restons positifs dans notre perception de la poursuite des réformes et donc dans le maintien et la diminution progressive des transferts à l’endroit de la société.

• Que pense le Fonds du recours à un prêt commercial pour rembourser la dette d’Air Madagascar, quand on sait que vous prônez les prêts à taux concessionnel ?
– Il y a d’autres mesures prévues, mais le recours à un emprunt commercial fait effectivement partie des options retenues pour financer les dettes de la compagnie aérienne nationale. Compte tenu de la marge presque inexistante en terme de recettes additionnelles, des réaménagements presque impossibles des dépenses publiques, une capacité assez limitée d’emprunts au niveau du marché financier intérieur, ainsi qu’un financement additionnel limité au niveau des partenaires classiques, il ne reste pas beaucoup de choix pour l’État à part recourir à l’emprunt commercial comme annoncé. Toutefois, grâce à la garantie accordée par la Banque Africaine de Développement, les conditions ne devraient pas être trop onéreuses. Par ailleurs, pour que cet emprunt ne soit pas source de déséquilibre macroéconomique, le programme FEC a mis une limite au niveau des emprunts commerciaux. Le prêt envisagé devrait rentrer dans cette enveloppe, limitant ainsi le risque d’endettement excessif du pays.

• La volonté affichée de l’État malgache à s’ouvrir vers des pays qui n’ont pas toujours les mêmes principes que les partenaires traditionnels, je citerai notamment la Chine, ne dérange-t-elle pas le FMI ?
– Le FMI n’a pas vraiment de dogme sur la question car pour nous, l’ouverture d’un pays à d’autres pays, y compris la Chine, ne pourra être qu’une bonne chose. Étant donné les besoins énormes de financements du pays, et les ressources domestiques encore insuffisants, nous encourageons la recherche de coopération avec tous les partenaires techniques et financiers, qu’ils soient traditionnels ou non. Le fait que ce soit un partenaire non traditionnel ne doit pas constituer un obstacle en soi, car de nombreux pays ont bénéficié de ce genre de partenariat. Ce qui est important à retenir, quel que soit le cadre du partenariat, c’est qu’il faut toujours essayer de les optimiser dans le sens de la maximisation des bénéfices qui s’y rapportent et la minimisation des risques qui y sont inhérents.

• Quelle est la meilleure manière ?
– Le meilleur moyen de procéder, est la bonne utilisation des aides que le pays reçoit, un choix judicieux des aides reçues de manière à ce qu’elles aient le maximum d’impacts sur la population et de manière à ce qu’elles n’entraînent pas des déséquilibres au niveau de l’économie à cause des coûts. C’est le cas notamment des aides sous forme de prêts. Il faut que ces aides soient en ligne avec l’objectif de maintenir le niveau d’endettement à un niveau soutenable. Enfin, une très grande transparence vis-à-vis de la population sur les éléments qui entourent les aides reçues est aussi importante.

Propos recueillis par Lova Rafidiarisoa


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