Le bus à étage, qui a fait vingt-et-un morts, a passé son dernier contrôle technique en 2014. Les charges excédaient quatre tonnes avec quatre vingt passagers de trop lorsque l’accident est survenu.
Du fil à retordre. La Direction Générale de la Sécurité Routière (DGSR), a donné du grain à moudre au propriétaire et à la fois chauffeur du bus étage, connu sur les routes sous l’appellation «Boeing», parti en tonneaux dans un ravin à Sambaina Ankazobe dans la nuit de lundi à mardi.
« Des vérifications ont été effectuées auprès des centres de sécurité routière de Toamasina, Tsiroanomandidy, Mahajanga et d’Antananarivo. Aussi curieux qu’il soit, aucun acte de visite technique encore valide n’y est enregistré. Le dernier contrôle répertorié de ce véhicule, immatriculé 0838 TAH, a été effectué à Nanisana le 29 octobre 2014 pour expirer le 28 février 2015. La question se pose alors, comment a-t-on fait, depuis, pour le laisser circuler sur les routes», s’interroge le colonel Angelin Ranedison, chef des centres de visite technique à Antananarivo.
N’y allant pas de main morte, il dénonce avec insistance une ahurissante surcharge.
«Lors de la réception technique, en marge de la mise en circulation de ce véhicule sur les routes malgaches après son importation, il a été autorisé à transporter soixante-dix neuf personnes. C’est le nombre de places inscrit sur la carte grise. Pour ce qui est des marchandises, la charge utile est plafonnée à 1970 kilos», met en avant le chef de centre.
À se fier à ses explications, ce Boeing Mercedes Néoplan à étage n’était donc pas plus qu’un cercueil roulant, plein d’une cargaison humaine à craquer, lorsqu’il a quitté Ampefy pour rejoindre Mahajanga. Le bilan final faisant état de vingt-et-un morts et de cent dix-huit blessés, cent trente-neuf personnes se trouvaient donc à bord de ce bus de la mort. Un chiffre correspondant au double du nombre de places autorisées. Un sort incertain planait, de ce fait, sur les scouts et pèlerins des Jeunes Chrétiens (STK) du synode de Soavinandriana, dès qu’ils ont commis l’irréparable en embarquant à bord de la vieille mastodonte, pour entreprendre un long périple.
D’ailleurs, des signes avant-coureurs, à l’instar d’une défaillance du système d’air et de passage de rapports, sont apparus, avant qu’ils ne mettent définitivement au tapis le géant des routes à 29 kilomètres d’Ankazobe.
Surcharge ahurissante
«Le poids total en charge figurant sur la carte grise est de 16 tonnes. Avec le seul poids des passagers, sans prise en considération des bagages et marchandises, la charge autorisée excédait de 4,27 tonnes. Cette importante surcharge pourrait expliquer pourquoi le bus a perdu de la puissance lorsqu’il a gravi la montée, entraînant ainsi un arrêt du moteur lorsque le passage à la vitesse inférieure a échoué. Le sort des passagers était scellé dès que le véhicule s’est mis à reculer», explique le colonel Angelin Ranedison.
Le retrait des Boeings sur le réseau de transport terrestre national s’est opéré en 2012. Depuis, les propriétaires de ces géants les ont convertis en véhicule de location, un secteur où il suffit de s’acquitter d’une patente annuelle auprès des services de contributions pour circuler sur tout le territoire, et échapper aux contrôles de l’Agence de Transport Terrestre (ATT).
« La location de véhicule est une brèche dans laquelle s’engouffrent beaucoup d’irrégularités», déplore Gilbert Rakotozafy, directeur du Transport routier. « Pour les véhicules de transport en commun des zones nationales, une demande d’autorisation spéciale adressée à l’ATT est nécessaire pour toute activité en dehors de la licence de l’exploitation. Si l’avis est favorable, un chef de convoi maintient le contact avec l’agence pendant tout le voyage, pour l’informer, en temps réel, des anomalies et des problèmes qui pourraient survenir, afin que les policiers et les gendarmes les plus proches puissent intervenir. Ceci n’est pas valable pour les véhicules de location qui peuvent se passer d’autorisation spéciale », souligne-t-il.
Avec les vacances qui battent leur plein, la DGSR interpelle tout transporteur et voyageur à respecter ou faire respecter le code de la route stipulant que la vitesse maximale est de 70 kilomètres par heure, pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes. Le poids des bagages est en revanche, censé être limité à dix kilos par personne.
Indifférences et corruptions
Le bus à étage bondé de monde a quitté Ampefy lundi matin vers 9 heures pour passer par une quinzaine de points de contrôles routiers de la police et de la gendarmerie, jusqu’à ce qu’il ne se renverse dans un ravin sur la RN 4, après avoir parcouru près de 200 kilomètres. Curieusement, pas un seul gendarme ni policier ne l’a verbalisé ni immobilisé malgré l’effrayante surcharge.
Ne sachant plus à quel saint se vouer face a cette hécatombe, le centre de visite technique d’Antananarivo a, pour sa part, affecté en province trente-trois gendarmes et agents vérificateurs.
Seth Andriamarohasina