Malgré les problématiques subies par la filière rizicole cette année en raison notamment des conditions climatiques, où la production nationale a diminué de moitié, le ministre en charge de l’Agriculture et de l’élevage, Rivo Rakotovao, lance le défi d’atteindre l’autosuffisance en riz d’ici 2020. Explications de la stratégie nationale du développement du Riz.
• C’est un grand défi que de lancer l’autosuffisance en riz annoncée depuis des décennies dans notre pays ? Comment votre ministère compte-t-il s’y prendre avec ce que la filière rizicole a enduré cette année ?
- Produire pour des marchés cibles. C’est le point essentiel à retenir. Le marché local est un grand marché de même que les marchés régionaux et internationaux. Il s’agit alors d’appuyer les paysans riziculteurs afin qu’ils puissent honorer ces marchés. La production actuelle à l’hectare n’est pas concurrentielle par rapport à ces marchés. Si la filière rizicole subit sans cesse le poids de l’importation, c’est toute l’économie rurale qui vacille. Aussi, plusieurs facteurs et indicateurs on-ils été pris en considération dans la Stratégie nationale de Développement Rizicole (SNDR) qui s’étale de 2016 à 2020. En effet, beaucoup me demandent personnellement si la réalisation du plan de développement du Riz est effectivement réaliste pour atteindre une autosuffisance en riz d’ici 2020, et je réponds « oui ». Notre pays possède quelques trente millions de terres arables encore non exploitées alors que les Malgaches figurent parmi les plus grands consommateurs de riz au monde, mais qui doivent importer pour subvenir aux besoins. Ce ministère reçoit des centaines de projets de développement de l’agriculture et notamment du riz depuis les divers régimes qui se sont succédés, alors que peu d’entre ces projets arrive à concrétisation ou à des résultats palpables pour le réel développement du riz. Nous avons toujours fait face à de la riziculture de subsistance et non de production comme le Vietnam ou l’Inde. La SNDR 2016-2020 vise loin mais applique le concept qui devient habituel depuis quelques temps, le Rapid result initiative ou RRI.
• N’est-ce pas un peu trop ambitieux car nous sommes à deux ans et demi, soit à trente mois de l’année 2020 ?
– La Stratégie nationale de développement rizicole est basée sur le contexte, la réalité des paysans producteurs, l’accès physique et économique aux terrains exploités et encore non exploités, les problématiques liées aux terrains domaniaux et privés, le matériel et semences actuellement utilisés, la maîtrise de l’eau, les infrastructures telles que barrages et canaux disponibles. Le ministère a alors développé de nouvelles approches pour développer ce qui existe déjà et apporté quelques touches d’innovation pour pouvoir produire plus. Car le principal souci, depuis des années, est la faible production rizicole contraignant le pays à toujours en importer. La production ne restera plus dans les deux ou trois tonnes à l’hectare.
• Justement, cette année, le pays a triplé son volume d’importation pour atteindre 247 000 tonnes en raison de la mauvaise production rizicole due aux vicissitudes climatiques, comment combler le gap pour ne pas en importer autant à la prochaine saison ?
- Le ministère de l’Agriculture et de l’élevage, avec ses partenaires, a commencé ce que nous appelons «la caravane de la fertilité». Une activité consistant à identifier les terres, effectuer une analyse pédologique et tester la fertilité du sol, allant de région en région, par le biais de laboratoires ambulants. C’est un projet mis en œuvre avec les Marocains. Faut-il savoir en effet que notre sol vieillit et qu’à la longue, il ne produit ni en qualité, ni en quantité. La caravane de la fertilité sillonnera pour commencer, cent mille hectares, notamment dans les pôles de production pour pouvoir en déduire par la suite si tel sol dans telle localité peut encore produire du riz. Les laboratoires fixes seront établis dans l’Alaotra et le Vakinankaratra. Une usine de production d’engrais sera bientôt en place à Ambatondrazaka. Un centre semencier est mis en place à Ambohitsilaozana Ambatondrazaka. Les questions sur le foncier, les semences et engrais, le matériel agricole et les infrastructures ont bien sûr été répondues dans la stratégie pour dépasser les quatre millions six cent mille tonnes de production annuelle. Nous avons développé l’approche par proximité en mettant en place des services de proximité pour appuyer les paysans riziculteurs. Cinq tonnes à l’hectare suffisent pour une autosuffisance en riz.
« Les paysans producteurs ne sont pas les seuls opérateurs de développement de la filière rizicole. L’opérationnalisation de ces services agricoles se fait avec l’État et le privé. »
• Quel genre de services de proximité ? Est-ce différent des CSA (centres de service agricole) ?
- La dualité entre ce qu’on appelle «petits paysans producteurs» et les opérateurs privés doit être redéfinie d’une autre manière. Les paysans producteurs ne sont pas les seuls opérateurs de développement de la filière rizicole. L’opérationnalisation de ces services agricoles se fait avec l’État et le privé. Je m’explique : notre production de semences n’arrive qu’à rentabiliser au grand maximum 100 000 ha de surface rizicole en tout. Alors que pour une meilleure production, il est utile de changer de type de semence au moins, une fois tous les trois ans. Les paysans producteurs de Bas Mangoky par exemple où il n’y a aucun centre, n’ont pas toujours la possibilité financière d’en disposer, ou ne sont pas toujours informés des types de semences utiles à la rentabilisation de leur production, aussi, appartient-il à l’Etat et aux opérateurs privés de les appuyer dans ce sens. On prévoit de redynamiser et d’ajouter les centres de service agricole. C’est l’approche que j’ai expliquée plus haut : la mise en place des services de proximité pour un accès physique et économique des paysans producteurs. Je ne suis pas pour l’endettement des paysans à travers les microcrédits car on n’enregistre que 5% de taux d’investissement des paysans producteurs pour le monde rural.
• Vous avez évoqué la mise à disposition de terrains domaniaux à des riziculteurs et agriculteurs lors de la foire de la mécanisation agricole à Antsirabe dernièrement ? Où en est cette promesse ?
– Effectivement. Et je le confirme. L’image de Madagascar aux yeux des investisseurs n’est pas très bonne à ce sujet car l’Etat est dénoncé comme étant loin de protéger des investisseurs surtout sur la sécurisation foncière. Les investisseurs craignent d’être délogés par des pseudo-propriétaires ou des vrais propriétaires justement en raison de diverses ambiguïtés foncières. Je donne un autre exemple : les terrains d’Ifanja Miarinarivo dans l’Itasy sont des terrains domaniaux aménagés par l’Etat à hauteur de six milliards d’ariary d’investissement en infrastructures mais sont restés inexploités depuis presque vingt ans. Alors je pose la question, pourquoi n’a-t-on jamais autorisé l’utilisation de ces terrains par des opérateurs ou des paysans ? Là revient l’approche proximité. Nous mettons en place des comités ad-hoc dans pareils cas afin de justifier avec des leaders paysans, des autorités locales, des enseignants locaux et autres, la propriété réelle des terrains. Notre approche sur l’exploitation des terrains domaniaux est en bonne voie avec le ministère auprès de la présidence en charge des Projets présidentiels, de l’aménagement du Territoire et de l’équipement (M2PATE).
• Qu’est devenue la stratégie de mécanisation agricole élaborée depuis 2014 ?
La mécanisation agricole fait partie intégrante de la stratégie de développement rizicole. Car depuis longtemps, elle n’arrive pas à combler les besoins des riziculteurs. Une famille exploitant un hectare de surface rizicole obtenant un rendement de cinq millions d’ariary l’année n’utiliserait jamais un tracteur qui coûte 50 millions d’ariary. L’approche par proximité permet à ces riziculteurs de louer par exemple des motoculteurs ou autres afin de booster la productivité en soit en se faisant aider par la mécanique outre l’angady. D’un autre côté, afin de satisfaire des besoins qui se font sentir dans d’autres régions productrices, un partenariat avec l’usine Farmtrac en Inde a été conclu. Une usine d’assemblage de tracteurs sera mise sur pieds incessamment dans la Grande île. Ces investisseurs sont intéressés en raison de l’incitation fiscale proposée par la partie malgache. Les véhicules peuvent en outre être réexportés dans les marchés africains ou autres.
• Madagascar a failli à La convention de Malabo (Convention sur Croissance accélérée de l’agriculture en Afrique). Peut-on toujours espérer une autosuffisance en riz ?
– Ne soyez pas si pessimiste! Valorisons le travail de nos paysans. Le ministère travaille avec des bailleurs et d’autres ministères comme les Travaux publics ou encore le Tourisme. Nous arriverons à au moins cinq tonnes à l’hectare d’ici 2020. La convention de Malabo de Guinée demande aux pays africains les étapes franchies dans la transformation de l’agriculture vers une prospérité en tenant compte de quelques indicateurs, telles que la sécurisation foncière, l’adaptation au changement climatique. Certains des indicateurs conceptuels demandés ne concernent pas les paramètres existants dans la Grande île. Je dirais que les questions sont trop standardisées. Ainsi, il a été impossible d’y répondre. Toutefois, sur les questions de recherche, nous avançons de par les activités développées par le Fofifa, (Centre national de recherche pour le développement rural) notamment sur les variétés de riz résilientes.
Propos reccueillis par Mirana Ihariliva