Quantcast
Channel: L'Express de Madagascar
Viewing all articles
Browse latest Browse all 13398

Faire du bon vieux avec le tout neuf

$
0
0

Ceux qui avaient fait leur Service National connaissent les camps militaires de l’intérieur. J’avais connu l’ECMAR (devenu Capsat) dans les années 1975-1980. Et le RTS (régiment des transmissions), en 1987. Un oncle, qui avait accompli son temps de service militaire à l’époque coloniale, me disait que telle désinvolture dans l’habillement, telle cour mal balayée, tel linge trop visible, auraient été inconcevables en ce temps-là. À ECMAR, je me souviens qu’il y avait l’intendance, et de vrais tailleurs : que sont-ils devenus que nos troupes soient accoutrées de bric et de broc : bottes iraniennes, pantalons chinois, vestes US Army, képis français   À RTS, j’avais remarqué les nombreux exemplaires de la Jeep Wyllis, héroïne du débarquement en Normandie, en 1944… De l’autre côté de la clôture, le Mess des Officiers de Fiadanana, dans un état d’épuisement que je ne lui connaissais pas au début des années 1980…
L’École Supérieure de la Gendarmerie de Moramanga est un autre camp militaire : j’ignore comment ce camp avait pu être autrefois, sans remonter au 29 mars 1947, mais, actuellement, il est à l’image de la décrépitude du pays. J’ai vu des sanitaires qui sont une provocation à l’hygiène la plus élémentaire. J’ai vu des baraques qui n’ont rien de baraquements militaires, avec la petite volaille pour joindre les deux bouts : l’armée malgache de 1895 vivait sur l’habitant, le soldat malgache de 2015 devrait-il subvenir à ses propres besoins avec un potager familial et une basse-cour d’appoint
En juin 2015, le Royal Yacht Squadron célébrait son bicentenaire. Sur le site de cette association de Gentlemen se passionnant pour la navigation à voile, dont l’époux de la Reine d’Angleterre est l’amiral de la flotte : on peut admirer les canons du château de Cowes luire de tout le soin qu’on leur a apporté, on voit défiler les uniformes dont la sobriété sans ostentation fait justement toute la beauté et le prestige. Même si on n’en discute pas, il s’agit indéniablement de bon goût. Les Britanniques ont le sens des traditions et ils n’ont pas leur pareil pour associer le prestige des vieilles pierres à la lignée ininterrompue de pairs qui s’adoubent. Il nous faudrait, à l’instar de leurs descendants WASP (white anglo-saxons protestant) passés de l’autre côté de l’Atlantique, apprendre à faire du vieux avec du très neuf : un jour, après un cataclysme climatique ou nucléaire sinon les deux à la fois, dans les vestiges de notre monde disparu, des archéologues venus de lointaines galaxies pourraient croire que les monuments dont se dotent les villes des États-Unis, autour des statues de héros bien américains, sont les témoins de l’Antiquité gréco-romaine…
Bien entendu, on ne transformera pas un dernier de la classe du tiers-monde en dragon de l’océan Indien rien qu’en habillant ses soldats à la mode de la Royal Yacht Squadron, mais peut-être qu’on pourrait, par une éducation au beau, créer des repères transcendants   Que l’école des troupes et le Manuel de l’Officier, à quelque arme que les uns et les autres appartiennent, impriment la cohérence entre la fierté de soi-même et le respect par autrui   Et que par l’éducation aux traditions, on respecterait enfin un héritage qu’on doit laisser en legs


Viewing all articles
Browse latest Browse all 13398

Trending Articles