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Channel: L'Express de Madagascar
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Bilan de rentrée

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Première Partie. Pour la suppression de toutes les dépenses somptuaires dont n’a pas les moyens un État classé parmi les 48 PMA (pays les moins avancés) et un des 36 pays éligibles à l’IPPTE (initiative en faveur des pays pauvres très endettés).
Tandis que sa voisine l’île Maurice lorgne sur la catégorie des économies émergentes, Madagascar régresse dans le quart-monde : PIB par habitant réduit à la portion congrue, déperdition scolaire, économie dépendante du cours défavorable de matières premières sans valeur ajoutée. Ceux des Mauriciens, qui avaient pratiqué le Madagascar des années 1960, ne cessent de s’étonner de l’épave que notre pays est devenu : infrastructures en ruines, population prolétarisée, paysage urbain bidonvillisé.
Au fil des ans, la grand-messe de Iavoloha est devenue une curée de toutes les indignités. L’image date d’il y a une vingtaine d’années, mais l’opinion publique a gardé définitivement en mémoire la caricature de ces invités indélicats pillant le buffet, pour glisser les victuailles dans des sachets plastiques et ramener de quoi festoyer à la maison. Toute honte bue, même pas subrepticement, mais au vu et au su d’un protocole dépassé. Ce n’est certainement pas l’idée qu’on se fait d’une garden-party présidentielle.
Plusieurs générations de ministres, de députés, de dirigeants de sociétés d’État, ont successivement failli, tandis que le carton d’invitation au palais d’Iavoloha (ou d’Ambohitsorohitra) passe tout de même comme une espèce de reconnaissance sociale. C’est donc pour le moins paradoxal que la République reconnaissante distingue ceux qui l’ont mise dans ce triste état.
Inviter des milliers de convives à Iavoloha n’est pas une obligation constitutionnelle. Cette petite tradition avait été lancée à l’époque de Didier Ratsiraka, premier Président de la République malgache à bénéficier d’une arrière-cour d’une certaine importance avec les jardins d’Ambohitsorohitra. Il n’y aurait aucun scandale à ce qu’un Président de 2016, prenant compte de la réalité de son pays et du quotidien de sa population, mette fin à ce qui devient un abcès de fixation.
Si les routes n’étaient pas parsemées de nids-de-poule, si l’électricité de la Jirama ne court-circuitait pas désagréablement, si Air Madagascar n’était pas devenu un sujet de dérision, si les ordures étaient ramassées, si le trafic du bois de rose était sous contrôle, si l’insécurité n’avait pas atteint le paroxysme de ce double kidnapping suivi d’assassinat, si les forces de l’ordre n’étaient pas soupçonnées d’être impliquées, si la justice elle-même était au-dessus de tout soupçon, etc., alors, oui, l’opinion publique aurait compris que le Président de la République fasse bombance à ses frais avec le corps diplomatique et les corps constitués.
Deuxième Partie. Contre l’institutionnalisation d’une place publique en arène politique. Les institutions parlementaires au niveau national, et les instances délibératives à l’échelle des communes, ont été mises en place justement pour canaliser débat, polémiques et invectives. Il ne faut pas oublier comment les mouvements de la Place du 13 mai (1991, 2002, 2009) ont ruiné moralement et économiquement Madagascar. La culture démocratique n’est pas encore suffisamment forte et intelligente, dans la population malgache, et ce n’est pas une surprise quand on sait combien de siècles d’évolution lente et progressive aura pris au sentiment démocratique pour imprégner les sociétés européennes, non sans passer par le double repoussoir ultime du fasciste et du communisme.
Transformer le jardin d’Ambohijatovo en une prétendue «place de la démocratie» est le plus sûr moyen d’institutionnaliser la chienlit au coeur de la Capitale. Les chefs autoproclamés des mouvements de rue n’ont jamais brillé par leur intelligence à éviter de radicaliser une assistance qui trompe son ennui en applaudissant la démagogie à l’œuvre, voire à marcher sur les zones rouges, se faire martyrs. Leur ouvrir le jardin d’Ambohijatovo, ce serait les voir vouloir descendre vers Analakely, le coup d’après, et contaminer la ville de leur désordre organisé.
Un ami soixante-douzard, «mafana kamivimbio» comme il se plaisante lui-même, récuse absolument qu’on confonde le mouvement de 1972 avec ses avatars de 1991, 2002 ou 2009. Je reste cependant convaincu que la mentalité «fanjakan’ny madinika» avait trouvé à cette occasion une sorte de légitimité à contester systématiquement l’ordre et l’autorité, la discipline et la hiérarchie, le travail et l’effort au profit de la posture victimaire. Les Malgaches n’ont pas encore la maturité pour empêcher qu’une simple manif ne dégénère en révolution. Si on veut passer outre au «plus jamais çà», et renouer avec le bordel de 2009-2013, passer par la case Ambohijatovo en serait le raccourci le plus rapide.


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