Le cheptel bovin malgache baisse qualitativement et quantitativement au fil des ans. La situation est susceptible d’être redressée en réhabilitant les fermes comme Vohilava.
Anciennement appelé Centre pépinière reproducteur (CPR), créé en 1956, la ferme de Vohilava est un centre de reproduction de géniteurs bovins de race importée brahmane. Elle est située à 57 km au Nord-Ouest de la ville d’Antsiranana. Elle est desservie par 24 km de piste, autrefois bitumée et allant vers l’ancien aéroport d’Andrakaka, suivis de 33 km de piste en mauvais état, non praticable pendant la période des pluies.
D’une superficie de 815 ha, Vohilava appartient à l’État. C’est une zone limitée par la mer (presqu’île) à une seule issue. Une clôture, longue d’un kilomètre faite de bois rond tendre et de trois rangées de fils barbelés, se trouve dans la partie extrême Est. La ferme possède onze abreuvoirs dont un seul est utilisable. Il y a quatre puits d’abreuvement dont un seul est actuellement fonctionnel, fournissant une eau saumâtre. En tout cas, l’existence de ces infrastructures, même en grande partie inutilisables, montre que la ferme de Vohilava a été conçue pour élever largement et suffisamment 400 têtes de bétail, aussi bien en période de pluie qu’en période sèche.
La zone de pâturage, s’étendant sur 815 ha, est constituée d’arbustes fourragers (lamoty, madiro karany, lamoty gomogomo, lavanana, bonara mantsina, tsimiranjana, bonaram-bazaha) et d’herbe. Un couloir de vaccination, un bassin pour douches, deux étables en bois et deux maisons en tôle se trouvent aussi dans cette zone. Toutes ces infrastructures ont été construites en 1956 et n’ont bénéficié d’aucune réhabilitation. Elles sont en piteux état.
Comme la clôture du parc est endommagée, d’autres troupeaux pénètrent dans le domaine et s’abreuvent, chaque fois que la motopompe est en marche.
En outre, les pêcheurs, dont le village est située à l’extrême Ouest, traversent le parc sur 7 km de chemin, seule servitude de passage terrestre qui leur permet de circuler. De plus, leur puits se trouve dans le parc, un véritable danger pour les troupeaux.
Comme les deux autres CPR (à Soalila Fianarantsoa et à Bepeha près de Betroka), Vohilava a servi, à l’origine, à l’élevage d’animaux domestiques importés. La ferme avait pour mission la vulgarisation, la diffusion et le suivi de reproducteurs améliorés en milieu rural. Ainsi, pour la race métisse, croisement du zébu malgache et du bœuf brahmane, le CPR de Vohilava a cédé, à titre onéreux, à des éleveurs des taurillons exclusivement pour l’amélioration de leurs cheptels.
Avant, un suivi trimestriel de la santé des bêtes a été garanti par le service de l’Élevage. Mais, depuis la Deuxième République, la gestion et le fonctionnement du CPR ne sont plus bien définis. Faute de budget alloué directement à la ferme, aucune entité ne veut s’engager ni prendre des décisions pour son entretien et sa gestion.
Redynamisation
Lors d’une descente sur les lieux effectuée par des techniciens de la région Diana, on a pu dénombrer qu’une soixantaine de bœufs de race brahmane de qualités variées (plus précisément 59 vaches, 7 génisses, 19 veaux mâles, 27 veaux femelles, et 4 bœufs castrés). Les bœufs sont en bonne santé, vigoureux, costaux, marqués d’un « VFA » et identifiés grâce à un code monté sur des boucles d’oreilles. La dernière opération de vaccination et de marquage remonte à 2012. Les nouveau-nés ne sont pas encore marqués.
Quatre personnes, un chef et trois bouviers, sont affectées à la ferme. Elles font partie du personnel de l’État et payées par le budget provincial en tant qu’employées de courte durée, ce après 16 à 22 ans de travail. Àcause des arriérés de salaire, ils consacrent plus de temps aux activités secondaires qu’à s’occuper des bœufs. En outre, ils n’ont pas les moyen, de communiquer ni de se défendre alors que les voleurs utilisent des embarcations et des armes à feu.
À l’heure où Madagascar projette d’exporter de la viande de zébu vers les îles voisines, la redynamisation de la ferme de Vohilava est intéressante dans le but d’obtenir une race améliorée avec des taureaux pesant dans les 700 kg en moyenne. Le climat est favorable à leur croissance, mais pour qu’il y ait une bonne production, le traitement prophylactique et les infrastructures doivent être améliorés.
Lors de l’élaboration du Schéma régional de développement économique de la Diana, les acteurs veulent redynamiser le centre de Vohilava. En tant que patrimoine de l’État, sa redynamisation est incluse dans le Plan de travail annuel régional, par le biais de la coopération décentralisée de la région Picardie France en vue de remettre en marche la ferme, et rediffuser la race.
Pour ce faire, la Diana a déjà envoyé des techniciens pour faire l’état des lieux de la ferme et s’informer de la santé des animaux pour pouvoir établir un plan d’aménagement. De fait, un abreuvoir et un puits ont été déjà réhabilités.
Quoi qu’il en soit, pour pouvoir sauver la ferme, des mesures devraient être prises dans l’immédiat avant de procéder à la structure de gestion, surtout en matière de santé bovine (vaccination). Sans oublier de réparer la clôture et de réhabiliter les infrastructures adéquates.
À long terme, les pêcheurs devront être délogés du périmètre de la ferme. De deux choses l’une : soit la situation des bouviers est régularisée, soit la sécurisation de la ferme (titre foncier) est mise en priorité.
Caractéristiques du métis zébu malgache croisé avec la race brahmane
-Robe grise, foncée ou blanche quand les animaux ont plus de trois-quarts de sang brahmane. Les demi-sang peuvent avoir presque les robes des zébus malgaches (noire, pie noire, rouge, acajou, etc.)
-Peau fine, fanons et plis de peau sous le ventre pendants.
-Production :
Lait (production en une lactation) : 1 390 kg ; durée de lactation : 260 jours ; durée de tarissement : 117 à 144 jours ; intervalle entre les vêlages : 13 à 16 mois : âge moyen au premier vêlage : 48 mois ; poids moyens de veaux à la naissance : -mâles : 23,3kg, -femelles : 21,2kg.
Viande : 544 kg en moyenne.
Une gestion chaotique
Après le désengagement du service de l’Élevage, l’ex-province est devenue le nouveau propriétaire de la ferme de Vohilava. Elle a changé de main depuis l’avènement des régions. Tous les dirigeants successifs du faritany d’Antsiranana et de la région Diana ont essayé de prendre leur part de responsabilité dans le fonctionnement de cette ferme, mais les crises à répétition, la réticence et le manque de prise de décision des autorités compétentes l’ont laissé dans un état de délabrement.
Ainsi, le traitement prophylactique n’est plus régulier, la clôture est délabrée et permet la traversée du parc par les villageois. L’eau d’abreuvement n’est plus potable, le changement climatique a détruit le pâturage, la consanguinité des bêtes commence à apparaître.
En somme, l’objectif initial n’a pas été atteint car ces malheureuses bêtes ont raté leur vocation première, à la grande joie des invités des différentes cérémonies officielles ou des réunions associatives.
Il n’est donc pas étonnant que le nombre de zébus diminue d’année en année.
Le croisement avec la race brahmane
Les animaux du CPR de Vohilava proviennent du croisement des vaches de la race du zébu malgache avec des zébus mâles de la race brahmane importés du Texas (États-Unis), en 1958, en application de la technique dite d’absorption.
Selon les explications de Pâquerette Raheliarisoa, directeur régional de l’Élevage de la Diana, les bœufs de la race brahmane sont élevés pour le travail, le lait et la viande. C’est une race « subconcave, longiligne, hypermétrique ». Les bovins de race brahmane sont reconnus mondialement pour leur rusticité, leur résistance et leur capacité à trouver de la nourriture, est pour leur facilité à digérer les aliments fibreux tels que les arbustes. À Vohilava, des arbustes fourragers naturels occupent presque 50% de la superficie. Ce qui facilite l’élevage de ces zébus dans cette région.
De plus, cette race est extrêmement résistante à la chaleur et à l’humidité élevée, caractéristiques des régions à bons pâturages, et s’accommode facilement aux fortes amplitudes climatiques et aux reliefs accidentés.
Une autre caractéristique remarquable de cette race est sa haute résistance aux tiques, mouches, moustiques et autres insectes ainsi qu’aux maladies telles l’anaplasmose bovine ou la fièvre des pâturages. Mais elle est aussi sensible au stretothricose. Sa progéniture se développe exceptionnellement bien dans les bons pâturages. Par ailleurs, l’expérience montre que cette race peut s’adapter tout aussi bien aux conditions de sécheresse qu’aux mauvais pâturages. Le brahmane a une bonne consommation d’herbe et surtout n’hésite pas à consommer de l’herbe de qualité moyenne.
Les vaches de race brahmane, excellentes reproductrices, au lait abondant et de bonne qualité, donnent des veaux de poids élevé et de forte musculature.
Les vertus du croisement des races bovines sont bien connues. Ces croisements intensifient l’effet hétérosis, les avantages de reproduction et le gain de poids.
À titre de comparaison :
Pour le zébu malgache de Kianjasoa (48 mois) : les mâles pèsent 365 kg et les femelles 252 kg. Tandis que pour le demi-sang zébu malgache, croisé avec la race brahmane (48 mois), les mâles pèsent 489 kg et les femelles 361 kg.