Remplacer le pétrole par des algues pour fabriquer du plastique Vu le prix du baril de pétrole et la pollution mondiale par ce produit, l’idée semble géniale. Rémy Lucas, descendant d’une famille de goémoniers bretons, a, fort de son expérience dans l’industrie pétrochimique, en tête depuis quinze ans de donner corps à cette idée.
Et ce rêve est en passe de se réaliser. La société Algopack, qu’il a fondée il y a cinq ans, est aujourd’hui en pointe dans cette technologie de transformation des algues. Le principe est simple en apparence : extraire à partir d’algues brunes une poudre à laquelle sont ajoutés des adjuvants végétaux pour produire des granules qui, envoyées chez des plasturgistes, servent à la fabrication de produits finis.
Laminés destinés à l’ameublement, bouchons d’emballage, pots de fleurs ou encore urnes funéraires : les usages de ce matériau sont multiples. Mais pas déclinables à l’infini. Car à la différence du premier produit lancé par la société, Algoblend, composé à 50% d’algues et à 50% de plastique, le dernier-né de la gamme, Algopack, n’est pas transparent mais brun foncé, comme les algues, dont il est composé à 100 %. Et s’il est possible de le colorer dans la masse, il ne peut guère devenir translucide. Ce qui fait dire à Rémy Lucas: « Nous n’irons jamais sur le marché des bouteilles d’eau ».
En dépit de ce petit handicap, cette matière première présente de nombreux avantages. Cette ressource naturelle existe en quantités infinies. Et même si sa production est saisonnière, on peut la cultiver. C’est précisément ce que fait Algopack dans la baie de Saint-Malo en Bretagne, avec des aquaculteurs. L’algue peut même être stockée des années. Ensuite, elle est bon marché : il suffit de la récolter en mer. Et des déchets industriels d’algues (dont l’industrie cosmétique a déjà extrait certaines substances), encore moins chers, font tout aussi bien l’affaire. Du coup, Algopack est vendu 1 500 euros la tonne, contre 2 000 euros pour la plupart des bioplastiques (issus de céréales ou de canne à sucre), et 1 200 euros pour le plastique.
Phase industrielle
Enfin, il est respectueux de l’environnement. L’algue a besoin, pour croître ni d’engrais, ni de pesticides et de très peu d’eau. Elle séquestre du gaz carbonique (961 kilos par tonne pendant sa croissance) et rejette de l’oxygène, indispensable à la croissance du plancton. En fin de vie, les produits finis se décomposent en douze semaines en terre, contre quatre à dix siècles pour les matières plastiques, et cinq heures en mer. Dans tous les cas, ils jouent le rôle de fertilisants. À noter aussi que ce matériau ne contient ni bisphénol A ni phtalate.
L’inventeur s’est déjà fait remarquer : lauréat des concours Crisalide Eco-activités et Innova’Bio en 2011, il a remporté l’année dernière, le Grand Prix Business durable chimie verte Total-BFM. Algopack représente même un espoir pour les habitants des Antilles et de la Guyane, envahis par la pollution des algues sargasses d’une ampleur inédite, actuellement. L’expédition Septième Continent, qui encourage le développement d’alternatives aux matières plastiques, s’y est associée pour résoudre cette problématique. Bonne nouvelle : les tests d’Algopack ont montré que son procédé pouvait s’appliquer à cette espèce d’algues. Ce dernier a également été testé avec succès sur plusieurs continents, au Japon, en Chine, en Afrique du Sud, au Chili et au Canada. De formidables débouchés, qu’Algopack envisage sous forme de licences accordées à des industriels locaux.
Mais le chef d’entreprise est prudent : « nous avons préféré sécuriser la ressource avant de signer des contrats, plutôt que risquer de ne pas être en mesure de répondre à la demande ». Aussi, la production n’ayant démarré qu’en 2013, le chiffre d’affaires demeure modeste, à 120 000 euros, en mai 2015. Il devrait atteindre un million d’euros au cours du prochain exercice. Car le procédé séduit de nombreux clients, comme Leclerc (jetons de chariots), Orange (coques de téléphone), Sagemcom (Livebox), ou Biocoop (aménagement de 300 magasins).
Toujours en phase pilote, Algopack va accélérer son développement en passant à une phase industrielle, en 2016. Son parc de douze hectares de culture d’algues doit être étendu à 145 hectares. Le site de production doit déménager pour atteindre mille mètres carrés.
« D’ici cinq ans, nous pensons atteindre une trentaine de millions de chiffre d’affaires et créer une trentaine d’emplois », confie Rémy Lucas. Autant de développements qui représentent plus de cinq millions d’euros d’investissements. D’où la levée de fonds, actuellement en cours.
Alors que des groupes pétroliers mondiaux s’intéressent également à ce créneau, ce nouveau moyen d’assainir la planète n’a pas fini de faire parler de lui : près de 269 000 tonnes de plastique polluent la surface des océans…
Caroline de Malet (Le Figaro – France)
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