Incapable d’anticiper les difficultés auxquelles elle doit faire face, l’administration Rajaonarimampianina en est réduite à prendre et à annoncer des mesures d’urgence irréfléchies dont les conséquences pourraient être encore plus dramatiques.
Le gouvernement joue son va-tout pour éviter qu’une explosion sociale ne survienne, alors que les prix prennent l’ascenseur.
Dernière mesure en date annoncée pour calmer les esprits : la négociation avec les distributeurs de produits pétroliers pour que ces derniers « reportent » la hausse intervenue au début de ce mois (voir article en page 7). La forme de la compensation n’est pas encore décidée, les discussions devant encore se poursuivre entre les deux parties, mais le spectre d’un retour des subventions directement versées à ces opérateurs plane fortement. Avec ce que cela suppose d’impacts sur les accords avec les bailleurs de fonds.
Le gouvernement, à l’issue d’un conseil de gouvernement spécial axé sur la hausse des prix, avait annoncé sur un ton menaçant l’arrêt du versement de la compensation aux transporteurs qui persisteraient à augmenter leur tarif, mais la déclaration ne semble avoir eu aucun effet. Au risque de se ridiculiser en donnant des ordres dont les effets ne sont pourtant pas garantis, le gouvernement a donné aux responsables l’ordre de verser les arriérés de novembre-décembre au plus tard ce jour.
Faux semblants
Mais cette décision, jusqu’ici, n’a pas convaincu certains membres de l’Union des coopératives de transport urbain (UCTU) qui ont maintenu le tarif à 500 ariary appliqué depuis le 1er février.
Des « mesures strictes » sont également annoncées contre ceux qui « spéculent » sur le riz en retenant des stocks, et des contrôles et des ratissages sont brandis dans quasiment toutes les villes où la hausse des prix du riz paraît incontrôlable.
« Dans ses propos introductifs du Conseil des ministres de jeudi, le président de la République a [ainsi] recommandé un contrôle strict des stocks de riz des grossistes en riz et des mouvements du produit à partir des douanes de Toamasina », tandis que le Premier ministre, en marge d’une cérémonie organisée par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), a martelé que « le gouvernement sera intransigeant face à ceux qui retiennent leur stock de riz et prendra des mesures strictes contre ces gens-là ».
Une importation massive de riz a, certes, déjà été annoncée par le ministre chargé du Commerce pour faire face à la faiblesse attendue des récoltes dues au manque de pluie, mais faute pour celui-ci d’avoir insisté sur le stock disponible, certains vendeurs ont immédiatement réduit leur offre, tandis que des consommateurs ont tout de suite commencé à se constituer leur propre stock. Le prix du riz, du jour au lendemain, a connu une ascension fulgurante et non maîtrisée, à tel point que le gouvernement, pris de court, n’a pu que prendre des mesures d’urgence dont les conséquences pourraient être encore plus graves, pour tenter de juguler une « situation qui pénalise la population ».
En panne d’arguments comme à chaque fois qu’il se trouve en difficulté en raison d’une conjoncture sociale ou économique défavorable, le gouvernement a aussi évoqué des velléités de déstabilisation politique. Hier encore, Olivier Solonandrasana Mahafaly a laissé entendre que la tendance inflationniste actuelle est due à des « calculs politiques ». Il a ainsi fait appel au patriotisme des uns et des autres pour limiter la hausse des prix. « En ces temps difficiles, nous devons plutôt faire preuve de patriotisme et ne pas s’adonner à des calculs politiques », a-t-il déclaré. L’année dernière, face à une situation plus ou moins similaire dans le Sud de l’île, le chef du gouvernement avait déjà parlé de « déstabilisation », mettant sur le dos de ses adversaires politiques l’incapacité de son équipe à prévenir les difficultés, et justifiant ainsi la prise de mesures tardives et sa propension à jouer au pompier et au médecin après la mort.
Lova Rabary-Rakotondravony