À ceux qui lui reprochent de s’immiscer dans les affaires nationales, l’Église catholique romaine (ECAR) répond que c’est un devoir.
Affirmation. L’Église catholique a exposé les axes de son engagement dans la société hier, au grand séminaire de Faliarivo, lors d’un symposium sur la doctrine sociale de l’Église . Une journée d’échanges qui se poursuivra ce jour.
« L’Église ne se contente pas de trouver les remèdes, mais l’applique de ses propres mains. (…) Le respect de la dignité humaine doit être la cause et la fin de toutes les institutions sociales », a été dit hier. Contenant toutes les réflexions papales des 2 derniers siècles, la doctrine sociale de l’Église, selon les explications, vise à insuffler une dimension éthique et morale à la gestion de la société, « à construire une société plus humaine conforme au dessein de Dieu ».
Dans cette optique, « la famille et la société, la vie économique et le travail, la vie publique et politique, les relations internationales et la paix, le monde de la finance et le développement durable ou intégral, l’environnement et l’économie » sont les grands thèmes traités par l’Église durant ces 200 dernières années. Un champ d’action dans lequel elle est également active. Il a ainsi été souligné que si l’Église « s’exprime, rappelle à l’ordre, [voire] intervient » sur un des sujets précités, c’est que les droits humains et la dignité humaine sont en jeu.
« À tous ceux qui reprochent à l’Église de s’immiscer sans raison dans les affaires de la société », la réponse est « qu’en tant qu’experte en humanité, elle a le droit et le devoir impérieux (non certes dans le domaine technique, mais dans tout ce qui touche à la loi morale) de défendre la dignité humaine », a soutenu, dans son exposé, le père Germain Rajoelison, secrétaire général de la commission épiscopale Justice et paix.
Politique
Justice et paix, justement, a été pointé du doigt pour « ingérence » dans des conflits entre l’État et la population locale concernant des exploitations minières, l’année dernière. Le cas de la commune rurale de Soamahamanina en particulier a défrayé les chroniques. Expliquant le champ d’action de cette commission épiscopale, monseigneur Roger Victor Rakotondrajao, son président, a indiqué, qu’à Madagascar, les champs d’action de Justice et paix sont : « La justice sociale, la protection de l’environnement, l’exploitation des ressources naturelles et les élections ».
Concernant l’implication de Justice et paix dans les contestations d’exploitation de ressources naturelles, l’archevêque de Mahajanga a expliqué que « l’objectif est d’avoir une exploitation minière à visage humain ». Un projet donc soucieux du bien-être de la population locale, de ses intérêts, ne portant pas atteinte à ses mœurs. « Si cela s’avère nécessaire, l’État doit dédommager la population locale », a-t-il ajouté. En matière électorale, l’objectif de Justice et paix est de « faire reculer toute forme de manipulation des votes », en vertu du « droit à la vérité ».
Certains laïcs, qui ont pris la parole durant le symposium, estiment pourtant insuffisante l’implication de l’Église dans l’assainissement de la vie politique et la gouvernance à Madagascar. « Nous sommes 45 députés catholiques, mais qu’est-ce que la Conférence des évêques a fait pour corriger les écarts de conduite, ou encore pour recadrer la corruption », a par exemple lancé la députée Lydia Rahantasoa, élue de Manjakandriana. « Pourquoi un pays majoritairement chrétien se trouve toujours dans pareille situation », a renchéri une autre intervenante.
Pour André Rasolo, sociologue, « une des missions de l’Église catholique est de régler la situation actuelle ». La doctrine sociale de l’Église encourage les laïcs à être « politiquement » actifs, à tous les niveaux. Elle considère même la politique comme « une autre forme de vivre l’engagement chrétien et appliquer l’amour de son prochain ».
Garry Fabrice Ranaivoson