Le ministre de la Justice demande « la libération » de l’opératrice économique, et parle de « détention arbitraire ». Claudine est sous le coup d’une « nouvelle garde à vue ».
Intervention ou pression À 22 heures 30 hier, Charles Andriamiseza, ministre de la Justice, a tenu une conférence de presse à Faravohitra. Devant les journalistes, le garde des Sceaux parle de « détention arbitraire » faite par le Bureau indépendant anti-corruption (BIANCO), sur le cas de Claudine Razaimamojy, opératrice économique, réputée baronne du parti « Hery vaovao ho an’i Madagasikara » (HVM), et proche de la présidence de la République.
Une sortie médiatique, de prime abord exceptionnelle du ministre de la Justice, suite, selon ses dires, aux « complaintes des avocats de la personne » sur des faits d’illégalité dans la conduite de la garde à vue, et la manière dont le Bureau d’Ambohibao mène son audition. « Libérez cette personne si l’enquête n’est pas concluante, ou transférez le dossier au tribunal. La période de garde à vue est expirée et j’ai demandé au procureur, s’il n’y a pas eu de demande de prolongation », a lancé le garde des Sceaux, arguant que le rôle de son département est de faire respecter la loi.
Pour éviter que l’État ne soit taxé de défendre Claudine Razaimamonjy, le ministre a également sorti la carte d’un risque de « vindicte populaire », en passe de se dérouler au siège du BIANCO. Et que sa sortie est motivée par « l’urgence de la situation ». D’après lui « les partisans de cette personne commencent à s’agiter ». Il réfute, par ailleurs, l’idée selon laquelle « les complaintes » de Claudine Razaimamonjy et la réaction ministérielle qui s’en est suivie s’apparente à un trafic d’influence.
En réponse, le ministre de la Justice a soutenu que tout le monde peut « directement » se plaindre auprès de lui en cas d’injustice, montrant une pile de dossiers en ce sens sur son bureau. Reste à voir si toutes les doléances qui lui sont soumises obtiendront désormais une réponse en quelques heures, avec conférence de presse diffusée en direct sur la Radio nationale Malagasy (RNM) à l’appui. Des médias publics qui, pourtant, ont passé sous silence l’affaire Razaimamonjy depuis l’arrestation de cette dernière.
Indépendance
Le ministre de la Justice parle, du reste, de faire valoir l’État de droit pour mettre fin aux vindictes populaires. Seulement, le risque d’effusion, à Ambohibao, aurait-il nécessité une intervention du garde des Sceaux pour réclamer la libération d’une personne enquêtée, ou plus, celle des forces de l’ordre pour empêcher les violences et affirmer l’autorité de l’État. Les informations indiquent d’autant plus que quelques dizaine de personnes seulement campent devant les grilles du BIANCO, donc largement moins nombreux que les manifestants politiques ou syndicaux que les forces de l’ordre ont l’habitude de mater.
Le risque de vindicte populaire, du reste, serait donc un argument pour entamer « l’indépendance » du BIANCO, alors que la lutte contre la corruption figure parmi les priorités de la politique étatique. Pour s’en défendre, Charles Andriamiseza a tempéré que « le BIANCO n’est pas sous l’autorité du ministère de la Justice. Il ne s’agit pas non plus de l’entité mais, de quelques membres qui ne respectent pas la loi ».
Dans l’après-midi d’hier, il a été expliqué par une source avisée que Claudine Razaimamonjy est sous le coup « d’une nouvelle garde à vue pour une enquête concernant un nouveau dossier ». Selon ses explications, « Claudine Razaimamonjy a bien été notifiée de la fin de sa garde à vue ce jour [hier]. Seulement, on lui a fait savoir, par la même occasion, qu’une nouvelle garde à vue commençait dans l’immédiat ». Plusieurs dossiers concernant la dame sont en effet en cours d’enquête au BIANCO.
La défiance dont a déjà fait preuve la dame envers le Bureau d’Ambohibao pourrait expliquer cette option. Des sources au sein de la magistrature ont expliqué que la démarche du BIANCO « se fait dans la pratique judiciaire lorsqu’il s’agit d’un autre dossier. Comme il ne s’agit pas d’une prolongation de garde à vue, l’avis du procureur n’est pas nécessaire ». Selon le ministre Andriamiseza, pourtant, il s’agit de non respect de la procédure.
Garry Fabrice Ranaivoson