Serge Ramiandrasoa, ancien président de la Fédération malgache de tennis, musicien bien connu des sorties nocturnes, sera la vedette d’une conférence débat ce vendredi au Village Saint-François a Andrainarivo dont le thème sera «La force ne vaut pas la vertu». Avant ce rendez-vous important, il crève l’abcès.
• Vous n’aviez pas été tendre vis-à-vis de l’Église lors d’une conférence débat à Faravohitra, il y quelques mois. Comptez-vous récidiver vendredi à Andrainarivo ?
- Il n’est pas question d’être tendre ou pas. Il s’agit plutôt d’oser dénoncer les choses qui ne vont pas au sein de l’Église. Nous sommes un groupe de laïcs depuis plus de 4 ans qui avons tiré la sonnette d’alarme auprès des instances catholiques en haut lieu mais en vain. La situation est devenue déplorable.
• Vous allez donc faire un déballage ?
- Il faut comprendre une chose. Nous sommes arrivés à un stade où les gens n’ont plus aucune peur de Dieu et de la justice divine à travers de nombreux inqualifiables faits d’actualité nationaux et même internationaux. L’insécurité est généralisée de par la recrudescence des pillages barbares, des assassinats odieux, des vindictes populaires, des malversations financières impensables sans parler de nombreux attentats atroces à travers le monde et leurs millions de victimes innocentes. Tout cela remet en cause le rôle et la mission de l’Église. Si on en est arrivé là, c’est que l’Église a quelque peu failli à son devoir.
• Que reprochez-vous à l’Église ? D’avoir caché certaines vérités, d’être figée et secrète ?
– Le pape François lors de sa prise de fonction en 2013, avait prôné « Pour être un bon chrétien, dorénavant le chrétien se doit d’être révolutionnaire ». L’exemplarité de ce pape jésuite dans sa façon de révolutionner est un modèle unique par des actions et des décisions jamais vues au Vatican comme celles à l’encontre de coupables dans son entourage même de pedophilie et de malversations financières. Il faut suivre l’exemple du pape François et briser la loi du silence. Le système pré-établi accorde les pleins pouvoirs aux curés des paroisses, favorisant ainsi de trop nombreux abus de pouvoir à l’image des pratiques courantes et devenues banales de la non- redevabilité et de la non-transparence dans le domaine financier, l’insuffisance des balises qui fait que les autorités religieuses se soutiennent et se protègent entre elles en se voulant presque intouchables, la culture même de l’impunité en refusant jusqu’à admettre leurs fautes pourtant flagrantes et répandues de notoriété publique. Il nous a été répondu que « l’église catholique est gérée par un système hiérarchique et non démocratique ».
• Vous insinuez que le pape a oublié Madagascar faute d’avoir fait une révolution ?
Pourquoi donc le pape n’est pas obéi quand il prône depuis quatre ans aussi une révolution des pratiques, du système et surtout une révolution des consciences ? Ne pas avoir une nomination de cardinal depuis 7 ans ne signifie-t-il pas un message clair entre les lignes du Vatican ?
• Vous estimez donc qu’une révolution au niveau de l’Église est incontournable pour redresser la situation de pauvreté, d’insécurité du pays ?
– La raison principale de cette disparition de la crainte de Dieu et d’une justice divine en est la défaillance même de l’autorité morale. Le FFKM et de nombreuses autorités religieuses ne sont plus une référence de crédibilité, d’honnêteté et d’intégrité pour de nombreux citoyens et cela est dû à tant de faits divers médiatisés que nous avons tous en mémoire. Elles ont failli à leur mission.
« …de par sa nature et son rôle de gardien de la morale, l’Église ne peut pas être dédouanée. »
• L’Église est-elle la seule responsable de cette situation ? Peut-elle suppléer l’État dans des tâches qui ne lui incombent pas ?
– Certes, mais de par sa nature et son rôle de gardien de la morale, l’Eglise ne peut pas être dédouanée. Beaucoup de faits témoignent que l’Église n’assume plus la tâche qu’on lui a assignée. On déplore la perte de la dignité et des valeurs humaines, le non respect des ancêtres, la profanation des sépultures, les assassinats odieux, le viol de religieuses, les magouilles financières indignes. En outre, on constate la dégradation des pratiques, des consciences et de la mentalité. Devenir prêtre ou pasteur équivaut à une promotion sociale, à se confectionner une certaine image dans la société et non plus par vocation. La perte d’exemplarité est également manifeste. La valeur éducative du bon exemple exhorte que vous ne pourrez jamais éduquer convenablement dans les règles de l’art, tant que vous-même n’êtes pas une référence d’exemplarité. C’est ainsi que les diverses déclarations de la Conférence épiscopale des évêques, du FFKM n’influencent plus la conscience du citoyen du fait qu’eux-mêmes devraient d’abord «dégager la poutre de leur conscience avant de vouloir balayer l’étui de paille» chez autrui. La dispersion des chrétiens, qui ne savent plus à quel saint se vouer, vers de nouvelles confessions prouve la nécessité de se remettre en question. Les divers sermons ou homélies débités aussi bien à l’Église qu’en d’autres endroits sont écoutés mais pas entendus.
• Avez -vous pensé à la réaction de l’Église en particulier et des autorités religieuses en général suite à vos propos qui ont de quoi surprendre et qui peuvent choquer certaines personnes ?
- Martin Luther King avait écrit : «Ce qui m’effraie ce n’est pas l’oppression des méchants mais l’indifférence des bons». Abraham Lincoln avait renchéri : «C’est en gardant le silence au lieu de hurler que l’on devient un lâche». J’ai décidé de crever l’abcès une bonne fois
pour toute et je suis prêt à en assumer les conséquences. Il faut en finir avec un système doté d’une autorité voulue forte et centralisée doublée d’une éducation spirituelle qui encourage la soumission et balise tout esprit frondeur.
Je suis conscient de la menace d’épée de Damocles de l’excommunion placée au-dessus des têtes de ceux qui osent braver ou perturber l’Église. Mais si c’est ainsi, c’est le pape François lui-même qui devrait être excommunié par ses manières révolutionnaires de bousculer l’Église par une provocation positive et déclencher une joyeuse pagaille, selon ses propres termes.
• Et si demain vous êtes excommunié…
- J’aurai la conscience tranquille. J’aurai le sentiment d’un devoir accompli en disant ce que j’avais à dire et ce qu’il fallait dire. J’aurai été franc, sincère et direct. Dès qualités qui font défaut chez certains pasteurs, prêtres ambassadeurs du très haut sur terre, considérés comme des olom-boahosotra( sacrés), et qu’il est interdit pratiquement et spirituellement de contrer ouvertement, d’où les oui Mompera, oui Pastera à n’en plus finir et un revirement de langage dès qu’ils tournent le dos. L’hypocrisie demeure, hélas, plus que jamais une compétition nationale. On se plaît à se taire même si on est dans son droit. «On voit la vérité, on entend la vérité, on sait la vérité mais on continue de croire aux mensonges», disait un auteur inconnu alors que Machiavel avait fort bien conclu «La meilleure forteresse des tyrans c’est l’inertie des peuples».
Propos recueillis par Herisetra