Plus qu’une commémoration de la mort de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, tués le 2 novembre 2013 au Mali, les Nations Unies ont décidé de consacrer le 2 novembre, Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. Dans un monde où de nombreux crimes et délits demeurent non élucidés, on peut se demander pourquoi ceux commis contre les journalistes doivent faire l’objet d’une journée spécifique. Mais il ne faut pas oublier qu’en tuant des journalistes, les assassins tuent, la liberté d’expression du citoyen et privent le public de son droit fondamental à l’information.
Selon l’Organisation des Nations Unies, « au cours des dix dernières années, plus de 700 journalistes ont été tués parce qu’ils informaient le public ». Cette année, jusqu’en septembre 2015, « la directrice générale de l’Unesco a condamné l’assassinat de
70 professionnels des médias ». Pour la période 2006-2014, un total de 680 assassinats de journalistes dans l’exercice de leur profession a été enregistré. « Moins de 6% des cas ont été résolus », indiquent les statistiques.
Les crimes ne sont pas seulement constitués des meurtres et d’assassinats. Des journalistes subissent aussi « des agressions non mortelles, y compris la torture, la disparition forcée, la détention arbitraire, l’intimidation, le harcèlement, que ce soit en situation de conflit ou non », ainsi que « pour les femmes journalistes, des risques spécifiques, notamment les agressions sexuelles », indique l’ONU.
Mais il faut aussi citer la corruption sous diverses formes, celle qui tue l’indépendance du journaliste et la liberté de la presse, de même que la volonté de maintenir les médias sous le joug de l’ignorance, en réduisant l’accès des journalistes aux informations auxquelles le public a pourtant droit. Quand un journaliste en est réduit à ne rendre compte que de ce qui est déjà communiqué par le gouvernement, et ne peut avoir accès qu’aux informations que les autorités veulent bien montrer, n’est-il pas déjà un peu victime d’un assassinat
Le travail du journaliste, il faut le rappeler, n’est pas seulement d’informer sur ce qui se passe. Il est aussi de révéler et de dévoiler ce qui se cache. L’en empêcher revient, ni plus ni moins, qu’à le tuer, et à priver le public de son droit à l’information.
Il existe, dans le monde, un réseau mondial qui aide justement les journalistes à faire face à cette forme de censure aussi néfaste qu’un meurtre : le réseau mondial des journalistes d’investigation (GIJN). Tous les deux ans, depuis 2001, avec l’appui de ses partenaires, ce regroupement de journalistes, organise une conférence mondiale sur le journalisme d’investigation (GIJC). Cette année, près d’un millier de journalistes se sont retrouvés à Lillehammer, en Norvège, du 8 au 11 novembre 2015 pour partager leurs expériences et échanger leurs acquis dans ce domaine.
Qu’est-ce qui se cache derrière les chiffres Que peuvent nous révéler les métadonnées Comment trouver, dans un foin d’informations, l’aiguille qui réussira à piquer un réseau mafieux qui se croit bien installé Au-delà des techniques de recherches d’informations, ou des sujets plus classiques sur la manière de protéger les journalistes d’investigation, il a aussi été question de la manière dont les journalistes eux-mêmes peuvent collaborer pour venir à bout d’une enquête, et donner une réponse collective aux différentes formes de crimes de plus en plus transfrontaliers du monde moderne.
Pour faire face aux problèmes de financement des investigations journalistiques, l’investigation transfrontalière (cross-border investigation) est aujourd’hui largement utilisée dans le monde. Avec cette forme de collaboration où les journalistes se donnent la main pour réaliser une enquête dont le cadre dépasse souvent les frontières d’un pays, les informations ne disparaîtront plus une fois passées les frontières d’un pays.
Le GIJN, grâce à la GIJC, permet justement aux journalistes d’investigation, non seulement de renforcer leurs capacités, mais aussi de se connaître et de se constituer en réseau. Ces réseaux régionaux et mondiaux qui se mettent en place sont à l’affût pour garder un œil sur les crimes perpétrés contre une communauté ou contre un pays. La GIJN, c’est aussi une forme de solidarité et d’entraide internationale contre les crimes grâce à ses actions de promotion et de développement du journalisme d’investigation. En plus de donner au public les informations dont il a besoin, il s’agit là aussi, d’une prise de responsabilité pour rendre le monde encore meilleur.
Iloniaina Alain