Le général Herilanto Raveloharison, ministre de l’Économie et de la planification aborde les opportunités, mais aussi, les enjeux qu’implique la conclusion de l’accord de Facilité élargie de crédit (FEC), avec le Fonds monétaire international (FMI).
• La FEC est acquise, mais concrètement quelle est la portée de cette décision du FMI et qu’en sera-t-il de l’après ?
– Il faut d’abord comprendre la philosophie même de la FEC. C’est un mécanisme de financement qui vise surtout à assurer la stabilité macroéconomique, autrement dit, à stabiliser la balance de paiement. Sa finalité est la réduction de la pauvreté par une politique de croissance inclusive. Maintenant, nous aurons à développer des politiques publiques qui viseront à assurer cette croissance inclusive et des activités qui tendront vers cette stabilisation macroéconomique. Le point positif de la FEC est qu’elle permet de renflouer la balance de paiement et de maintenir, voire de réduire l’état actuel de l’inflation. Je tiens à souligner que, parvenir à une stabilité macroéconomique va susciter des investissements qui vont soutenir la croissance. L’argent de la FEC n’est certes, pas suffisant, mais cette caution du FMI est le signe pour les investisseurs qu’ils peuvent, à nouveau, opérer à Madagascar car le climat économique est sain.
• Justement, au regard des mesures économiques imposées par le programme de référence, il semble que l’inflation soit la contrepartie de la FEC. Et la crainte de l’opinion tend à se confirmer si on regarde l’augmentation des tarifs de la Jirama ou encore des prix à la pompe et de certains produits.
– Il faut préciser qu’il y a inflation lorsque l’augmentation des prix concerne tous les produits et pendant une certaine période. Une flambée conjoncturelle des prix ne doit pas être assimilée à une inflation. Par exemple pour le charbon, les prix ont augmenté à cause d’une insuffisance des stocks. La solution est donc, l’approvisionnement. Nous ne sommes pas encore dans une situation inflationniste, nous sommes en face d’une hausse conjoncturelle des prix. La crainte de la population est donc, conjoncturelle, sauf s’il y a une réelle mauvaise foi flagrante de rétention de stocks. Dans ce cas, le rôle de l’État est d’opérer des contrôles.
• Qu’en est-il des tarifs de la Jirama et des prix à la pompe Surtout qu’étant dans une période sociopolitique particulièrement houleuse, l’augmentation des tarifs n’est pas pour apaiser la situation.
– La Jirama a toujours, été un gouffre financier. Notre politique actuelle consiste à limiter les subventions de l’État et à terme faire en sorte que l’entreprise soit économiquement viable sans subvention. On ne peut pour autant supprimer brusquement cet appui. Aussi, il faut commencer par le limiter. La Jirama doit, en contrepartie, améliorer sa gouvernance et ses services, et adopter une politique de gestion saine. Il est à préciser qu’il s’agit, actuellement, d’un ajustement des tarifs mais pas d’une augmentation. Cette mesure aurait déjà dû être appliquée il y a près de dix ans mais ne l’a jamais été. Certes, pour le consommateur c’est la même chose car, il paie plus, mais pour la viabilité de la société, cela est nécessaire.
• Certes, mais cela n’empêche que ces réajustements se répercutent violemment sur le portefeuille des ménages.
– C’est pour cela qu’ils sont faits graduellement. L’État ne peut pas éternellement dépenser dans les subventions. Il faut qu’il fasse des investissements. Il y a donc, deux éléments à prendre en compte et à équilibrer. L’État doit préserver des fonds pour investir, tout en pensant à la répercussion sociale des mesures prises. Économiquement parlant, cette augmentation de l’ordre de 9 à 15% des tarifs, suivant la catégorie des consommateurs, est le minimum pour avoir des effets positifs sur la comptabilité de la Jirama. Pour le carburant, nous avons opté pour la vérité des prix. La répercussion sur le coût des transports peut entrainer une inflation, mais c’est pour cela que nous avons maintenu les subventions aux transporteurs. Cette politique de flexibilité des prix ne doit pas non plus pénaliser les plus vulnérables. Il faut préserver leur pouvoir d’achat.
• Mais la situation est que le renforcement du pouvoir d’achat n’arrive pas à suivre les « ajustements », des prix. L’augmentation des salaires ne suit pas la cadence. Comment l’État compte-t-il faire pour équilibrer cela ?
– L’évaluation de l’augmentation des salaires se fait sur la base du taux d’inflation. Il faut que le premier puisse couvrir le second. Ce qui a déjà été fait. Il faut, cependant, comprendre que l’augmentation des salaires ne se décrète pas sans contrepartie financière. Si l’on ne fait pas attention, une augmentation des salaires peut conduire à des tendances inflationnistes. 60% du budget de l’État, par ailleurs, est destiné à payer les salaires des fonctionnaires. Je rappelle qu’il faut, pourtant, prendre en compte une marge pour permettre à l’État d’investir.
• En parlant d’investissement, justement, il semble qu’il y ait, actuellement, une priorisation des investisseurs internationaux. Qu’en est-il pour les investisseurs locaux ?
– C’est un point fondamental de notre économie. Au niveau de mon département, outre la recherche de financements internationaux, nous avons développé une politique pour optimiser la mobilisation des ressources internes. Les investissements internationaux tendent, actuellement, à baisser et les mécanismes de financement comme la FEC ou le « Turnaround facility », de la Banque mondiale son insuffisants. Il nous faut miser sur les ressources internes. Cela ne veut par dire, pour autant, faire dans le protectionnisme, mais créer un climat d’investissement sain, où la concurrence est loyale. Pour les investisseurs locaux, il appartient, par exemple, à l’État d’inciter les banques à mettre à disposition des produits favorisant les locaux, comme les prêts à court terme et la diminution du taux directeur.
• Pour terminer, comment l’État compte-t-il manœuvrer pour faire passer la pilule sur les mesures impopulaires, en attendant que les répercussions positives de la FEC se fassent ressentir sur le quotidien des ménages ?
– Il faut que l’État investisse dans le secteur social, dans les domaines qui soutiennent directement la population. Opérer ce que l’on appelle une politique inclusive, ce qui est le cas actuellement. L’approche sociale ne suffit pas pour développer le pays, mais c’est un début. Cela permet, également, de soutenir les plus vulnérables dans une situation d’urgence. La population ne peut pas attendre. La plupart des projets présidentiels, par exemple, vont dans le sens de cette urgence. L’approche consiste donc, à investir massivement dans le social tout en préservant assez pour financer les projets de développement à long terme.
Propos recueilli par Garry Fabrice Ranaivoson