Réussissant difficilement à intégrer les opérateurs du secteur informel, dans le secteur formel, le gouvernement décide de frapper davantage d’impôts les personnes et les entreprises facilement identifiables. L’objectif est d’atteindre un taux de pression fiscale de 10,4%.
«Améliorer et assurer la sécurité des recettes fiscales ». L’objectif du gouvernement est pour le moins ambitieux. Pour passer de 2846,3 milliards d’ariary en 2015 à 3429,1 milliards d’ariary en 2016, le gouvernement n’a d’autre choix que d’élargir l’assiette fiscale et de s’assurer que les impôts et les taxes soient correctement versés par ceux qui sont censés les payer.
Les mesures prises en 2015 pour alléger certaines charges fiscales ont ainsi été abandonnées dès la loi de finances rectificative de 2015. Pour 2016, il est davantage question de traquer certains revenus qui, jusqu’alors échappaient au fisc. A cela s’ajoutent d’autres mesures prises pour limiter les fraudes et autres formes d’évasion fiscale. Dans tous les cas, les mesures frappent aussi bien ceux qui paient déjà régulièrement leurs impôts que ceux qui se trouvent dans le secteur informel.
Non assujetties aux impôts sur les revenus en 2015, les entreprises nouvellement créées se voient à nouveau frappées d’impôts sur le revenu pour les deux premiers exercices. La loi de finances initiale de 2015 les en exonérait dans un objectif de relance des investissements. Plus que le rétablissement du manque à gagner, la suppression de cette exonération vise à éviter d’éventuelles fraudes. Il n’est effectivement pas exclu que des entreprises existantes déclarent leurs entreprises en faillite, et les ferment avant de les rouvrir sous d’autres noms afin de bénéficier de l’exonération. « Cela engendre des pertes pour l’administration fiscale alors que cela ne crée pas de nouvelles entreprises », analyse Patrick Imam, représentant résident du Fonds monétaire international (FMI).
Minimum de perception
Le minimum de perception en matière d’impôts sur les revenus salariaux et assimilés (IRSA) sera également de nouveau à l’ordre du jour. Tous les salariés, quel que soit le montant de leur revenu, doivent ainsi payer un montant de 2 000 ariary sur la tranche de salaire inférieure à 250 000 ariary. Cette mesure prise en 2014 avait à peine été appliquée qu’elle a été suspendue suite à un fort tollé. Carrément supprimée par la loi de finances initiale de 2015, elle a pourtant à nouveau été adoptée avec la loi de finances rectificative de 2015, et devrait s’appliquer dès cette année à tous les salariés, même à ceux qui gagnent moins de 250 000 ariary.
La révision du droit de visa pour un séjour inférieur ou égal à un mois fait également partie des mesures annoncée pour améliorer les recettes fiscales. Le régime de transition avait décidé de supprimer le droit de visa pour les séjours de moins d’un mois en vue de booster le tourisme. Mais les chiffres ne s’étant pas tellement améliorés malgré cette décision, les opérateurs du secteur ont fini par se faire à la décision de supprimer la gratuité du visa.
Les autres mesures d’élargissement de l’assiette fiscale concernent l’obligation pour les personnes physiques non immatriculées, résidentes ou non à Madagascar ainsi que pour les personnes morales n’ayant pas de siège social à Madagascar de payer un impôt sur les revenus provenant de la cession de titres sociaux dans des entités dont tout ou partie de la valeur provient directement ou indirectement des biens sis à Madagascar, ou des droits relatifs à ces biens. Selon les dispositions de la loi de finances 2016, l’impôt que cette nouvelle catégorie de contribuables doit verser, est calculé sur la base de la différence entre le prix de la cession et la valeur d’acquisition des titres.
Droit daccise
Parmi les autres décisions prises pour 2016 figure « l’application obligatoire du logiciel sur la valeur administrative comme minimum de base imposable des biens immeubles pour asseoir le droit d’enregistrement (DE) sur les mutations des biens immeubles ». Il s’agit d’une mesure prise pour faire face aux éventuelles fausses déclarations. Le droit d’enregistrement étant calculé sur la base des valeurs déclarées, les contribuables ont souvent tendance à donner des estimations basses pour limiter le montant à payer au moment de l’enregistrement de la mutation. Ce qui avait entraîné un important manque à gagner pour les caisses de l’État.
L’une des pilules les plus dures à avaler sera toutefois l’application des droits d’accise sur certains produits jusqu’ici exemptés. Ainsi, à partir de cette année, les jus de fruits ou de légumes, ainsi que les eaux gazéifiées et les boissons non alcoolisées seront taxés au droit d’accise. Fabriquées localement ou importées, ces boissons sont assujetties à un droit d’accise de 25 ariary par litre. Les boissons alcoolisées, eux, voient leurs taxes augmenter. Ainsi les vins et les liqueurs seront désormais taxés au droit d’accise allant de 50% à plus de 260% pour certains produits importés.
Les véhicules neufs importés se verront eux aussi taxés au droit d’accise alors qu’en 2015, cette taxe ne concernait que les véhicules d’occasion. La loi de finances rectificative pour 2015, et qui reste applicable pour 2016, prévoit l’extension de la taxation au DA au taux de 10% à tous les véhicules neufs importés ».
Par ailleurs, selon la loi de finances pour 2016, tous les services de télécommunication se verront à partir de cette année, frappés de droit d’accise, alors qu’auparavant, seules les communications téléphoniques étaient frappées de cet impôt. Ce droit, qui était de 7% pour les communications téléphoniques, et donc 0% pour les autres services de télécommunication, sera uniformisé à 10%.
Obligation des établissements financiers
Parmi les autres décisions prises pour 2016 en vue de sécuriser les recettes figure en premier lieu « l’obligation pour les institutions financières et les établissements de crédit de déclarer le registre des comptes ouverts par les particuliers et par les sociétés auprès de leurs établissements ».
C’est ainsi qu’avant le 1er mai de chaque année, « tout organisme et établissement de crédit et/ou financier, ainsi que les personnes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces, sont tenus de remettre auprès du service chargé des recoupements, la liste de tous les comptes bancaires ouverts ainsi que les comptes assimilés ».
Le code général des impôts qui sera applicable pour 2016 prévoit que tout manquement à cette obligation, ou tout refus de communiquer à l’administration fiscale les renseignements demandés est « passible d’une amende correspondant à 40% du montant total des avoirs détenus par le dépositaire dans ses livres ».
Avec cette mesure, les autorités fiscales peuvent garder un œil sur les mouvements des comptes de contribuables, et déceler ceux qui paient les impôts de ceux qui ne le font pas.
Logiciel sur la valeur administrative
Un plus grand contrôle sur le droit d’enregistrement sur les mutations des biens immeubles. A partir de cette année, l’application du logiciel sur la valeur administrative comme minimum de base imposable des biens immeubles pour asseoir le droit d’enregistrement (DE) sur les mutations des biens immeubles devient obligatoire. Les tarifs ne devront donc plus varier d’un usager à un autre lorsqu’il s’agit d’effectuer des mutations de biens immeubles.
Le droit d’enregistrement étant calculé sur la base des valeurs déclarées, les contribuables ont souvent tendance à donner des estimations basses pour limiter le montant à payer au moment de l’enregistrement de la mutation. Ce qui avait entraîné un important manque à gagner pour les caisses de l’Etat. La mesure vise surtout à faire face aux innombrables fausses déclarations faites par les contribuables.
Est-ce pour mieux faire passer la pilule du logiciel sur la valeur administrative Toujours est-il que pour les six prochains mois, ce logiciel sera utilisé mais la valeur administrative ne sera pas encore appliquée pour tout ce qui est mutation de biens immeubles dans le cadre d’une succession. Lors de son discours à la cérémonie de présentation de vœux des corps constitués, le 8 janvier dernier, le chef de l’Etat a annoncé que jusqu’en juin, les droits d’enregistrement des mutations seront gratuits.
Caisses enregistreuses
L’autre mesure de sécurisation des recettes de l’Etat figure la mise en place de caisses enregistreuses auprès de certains commerçants de manière à ce que les taxes sur la valeur ajoutée qu’ils doivent verser à l’Etat soient contrôlés en amont et à la source. Des matériels en ce sens ont d’ailleurs déjà été octroyés par les partenaires de la Grande île. selon le nouveau code général des impôts applicable en 2016, le défaut d’utilisation de ces matériels par les personnes concernées peut lui valoir une « taxation d’office ». Des agents de la direction générale des impôts devraient par ailleurs être affectés au contrôle et au suivi de l’utilisation effective de ces matériels électroniques auprès des contribuables concernés.
Textes : Bodo Voahangy
Photos : Archives de l’Express de Madagascar